La méthode Bouchez à l’épreuve: il devra “emmener les Wallons avec lui”
Le président du MR veut “gouverner comme un ingénieur, pas comme un poète”, écoute les patrons flamands et appelle les syndicats à être des “acteurs de changements”. La “méthode Waze” devra toutefois éviter une arrogance mal venue. “On n’arrive à rien en écrasant les autres.”
A la manoeuvre des négociations wallonnes et impliqué dans les discussions fédérales, Georges-Louis Bouchez ne se départit pas de son hypercommunication habituelle et de ses bons mots. “On veut gouverner comme des ingénieurs, comme des poètes”, a-t-il annoncé, non sans susciter quelques grincements de dents. “Le “petit monde” politico-médiatique est déconnecté de la réalité”, a-t-il aussi précisé, non sans choquer. L’objectif est affiché: induire une rupture, rajeunir et professionnaliser l’approche, éviter les bons sentiments qui ont trop souvent empêché l’action efficace. Attention, toutefois, à ne pas nourrir une résistance qui risque de tout paralyser.
Pour sa première journée, le libéral a reçu les représentants des patrons compagnie de son alter ego Maxime Prévot, président des Engagés. Leitmotiv: “réindusrialiser la Wallonie”. Les CEO du patronat flamand, Voka et Unizo, étaient aussi de la partie parce qu’il s’agira de développer les collaborations entre les deux Régions et de s’emparer des bons exemples venus du Nord. Reçus ensuite, les syndicats ont été invités à être des “acteurs de changement”. Une façon polie de les inviter à accompagner la dynamique, alors que l’oeuvre de contestation a déjà commencé à la FGTB.
Le vainqueur francophone des élections doit trouver un chemin étroit entre nécessité de rupture et une nécessité absolue: emmener les Wallons avec lui.
“Méthode Waze” et “chien fou”
La volonté de GLB en Wallonie est claire: aller vite. Il entend rédiger une feuille de route s’apparentant à une “vision”, mais miser sur le “leadership”. La date du 16 juillet est présentée comme un premier jalon important: c’est le jour de la prestation de serment d’Elio Di Rupo, ministre-président wallon en partenance, au parlement européen.
Si de nombreux interlocuteurs de la société civile seront reçus, le formateur compte bien appliquer la “méthode Waze”: le cap est fixé, seules seront prises en compte les idées qui permettent de l’atteindre en empruntant un chemin plus rapide. Augmenter le taux d’emploi, créer de l’activité, rendre les institutions plus efficaces… et gérer un budget en danger: voilà la direction. Le mandat donné par l’électeur va clairement dans ce sens: pas de souci, a priori.
Le “formateur wallon” devra toutefois veiller à ne pas braquer ses adversaires, ni à effrayer ses partenaires. Certains sont déjà conscients de la nécessité de tempérer “le chien fou” et de ménager celles et ceux qui doivent oeuvrer à la Wallonie de demain. Au sein des Engagés, redevenu l’interlocuteur privilégié du monde associatif, on sait les préoccupations grandes en matière de santé ou d’environnement. Et on sait combien la méthode Bouchez est perçue comme un repoussoir potentiel.
La délicate gestion de la victoire électorale a débuté.
“Résistance de la gauche” et appel au respect
Dans son oeuvre de changement, GLB sait aussi qu’il devra composer avec la résistance d’une gauche qui ne lui lâchera rien: PS, Ecolo et PTB ensemble, cela fait une solide opposition. Même si ces partis sont abattus, déchirés ou divisés. Thierry Bodson, président de la FGTB, sonne la charge et bat le rappel, estimant que le programme du MR est “farfelu”.
“Pour moi, c’est le monde associatif, les syndicats, les mutuelles qui devront prendre la main pour créer ce front des progressistes, a prévenu le syndicaliste, lundi. Et si les partis politiques de gauche comprennent un jour, tant mieux. Ce qui serait dommage, c’est de se retrouver comme en France, le nez sur le carreau, avec une extrême droite aux portes du pouvoir pour enfin s’unir.”
Au fédéral, Melissa Depraetere (Vooruit) a déjà affirmé le président du MR de n’était “absolument pas fiable”. “Au vu des déclarations de certains depuis quelques heures, j’invite tout le monde à respecter la volonté de l’électeur, comme doit le faire un véritable démocrate, a rétorqué le libéral. Nos concitoyens veulent des réformes et nous allons les mener dans le respect de chacun.” Et de cingler: “La gauche ne doit pas simplement louer la démocratie quand elle donne les résultats qui lui conviennent.”
Le président du MR a raison. Mais la marque Bouchez devra être aussi cella d’une vainqueur qui permet de rassembler autour d’un projet. Des rangs patrons vient cette remarque: “On n’arrive jamais rien en blessant ses adversaires ou ses concurrents, a fortiori quand ils sont blessés.”
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