Typhanie Afschrift
La guerre perdue contre la drogue
Dans la ville d’Anvers, dirigée par Bart De Wever, politicien conservateur et habituellement garant de “la loi et l’ordre”, on assiste à une vague de violence, avec armes, que la police locale ne parvient pas à réprimer ni à arrêter.
Le bourgmestre, qui raillait la commune de Molenbeek pour son incapacité à arrêter des désordres du même genre, en est aujourd’hui à réclamer, lui le nationaliste flamand, l’aide de l’Etat fédéral et une réunion du Conseil national de sécurité. On doute qu’il imagine que cela puisse servir à quelque chose, sauf à transférer la responsabilité à quelqu’un d’autre.
Toutes ces violences sont liées au combat, que l’on sait perdu depuis longtemps, des autorités contre la drogue. Des lois répressives sanctionnent très lourdement ceux qui la vendent ou la transportent, et visent aussi, certes moins sévèrement, ceux qui se contentent d’en consommer. Le problème est là et non, comme l’affirme Bart De Wever, dans la politique migratoire dont on voit mal le rapport avec le trafic et la consommation de stupéfiants.
A la base, le problème est qu’on installe dans la clandestinité des centaines de milliers de personnes parce qu’elles consomment de temps en temps un joint ou d’autres substances. Elles ne font pourtant de tort, le cas échéant, qu’à elles-mêmes. L’écrivain américain Lysander Spooner le disait déjà il y 150 ans: “les vices ne sont pas des crimes”.
Le système de prohibition aveugle et général de la drogue n’a aucun autre effet que de multiplier les dépenses de sécurité de l’Etat, et d’accroître les bénéfices des trafiquants.
C’est pour cela que la prohibition de l’alcool aux Etats-Unis dans les années 1930, a été un échec qui n’a fait qu’accroître la criminalité. Les Etats-Unis et d’autres pays ont ensuite reproduit à un niveau mondial ce système pour la drogue. Avec le même résultat: partout, la violence est exacerbée entre les trafiquants et leurs partenaires d’affaires, et les consommateurs se retrouvent forcés d’acheter auprès de personnes peu recommandables qu’ils n’auraient jamais côtoyées en l’absence d’interdiction. D’où des risques quant à la qualité du produit et l’inclusion de toute une population dans un système clandestin fait d’argent noir, de trafics divers et de violences.
En interdisant la drogue, on ne fait qu’augmenter les bénéfices des trafiquants. C’est bien connu: vendre un produit illicite rapporte beaucoup plus. C’est la “rémunération du risque” nettement plus élevée que pour un commerçant ordinaire. Et qui dit bénéfice élevé dit recours à tous les moyens pour l’obtenir, hélas. D’où l’existence de mafias et d’énormes réseaux criminels transcontinentaux contre lesquels les Etats, malgré des moyens gigantesques, sont impuissants, et une criminalité qui s’étend à bien d’autres domaines, y compris les crimes de sang, l’extorsion, et le blanchiment.
Il faut se rendre compte que tout cela n’existerait pas s’il n’y avait le système de prohibition aveugle et général de la drogue. Celui-ci n’a aucun autre effet que de multiplier les dépenses de sécurité de l’Etat, et d’accroître les bénéfices des trafiquants. Les énormes budgets qui sont consacrés actuellement à la répression n’aboutissent en réalité à aucun résultat, ni en Belgique, ni ailleurs. La drogue reste accessible à pratiquement qui en veut. Ce système ne défend même pas la santé publique puisqu’il suscite au contraire des produits encore plus dangereux que ceux que l’on voulait interdire.
Il faudrait sérieusement réfléchir à remettre en cause cette répression généralisée. Les sommes considérables qui lui sont consacrées, en vain, pourraient être bien mieux utilisées en aidant ceux qui sont les victimes de ce trafic, une partie des consommateurs. On ne contestera pas que des soins médicalisés seraient à cet égard beaucoup plus efficaces que la prison, qui est et reste la meilleure école du crime.
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