La gauche française voudrait faire payer les exilés fiscaux français
Lucie Castets, la candidate au poste de Première ministre présentée par le Nouveau Front populaire, voudrait s’appuyer sur l’exemple américain pour lever un impôt sur les exilés fiscaux français. En pratique, ce serait très difficile.
Voilà une proposition du Nouveau Front Populaire français qui risque de faire des vagues jusque chez nous. Dans un entretien accordé à La Tribune Dimanche, Lucie Castets, la candidate au poste de Première ministre proposée par le front de gauche pour diriger le gouvernement français, a déclaré vouloir, entre autres, taxer les exilés fiscaux français. « Nous voulons une grande réforme fiscale. La progressivité de l’impôt sera renforcée. Il passera à 14 tranches, c’est davantage de justice. Pour une grande partie des ménages, cela correspondra à une baisse d’impôts. Il faudra aussi que les expatriés fiscaux paient leurs impôts au fisc français, comme le font les Américains expatriés vis-à-vis du fisc des États-Unis. J’y vois une question de souveraineté », dit-elle.
Deux millions et demi d’exilés
La proposition, on s’en doute, a dû faire frémir dans certaines maisons d’Uccle ou d’ailleurs. On recense environ 2,5 millions de Français résidant à l’étranger, payant donc leurs impôts hors de France. Il s’agirait de leur faire payer la différence entre l’impôt qu’ils paient dans leur pays de résidence et l’impôt qu’ils auraient payé en France.
Mais cette idée se heurte, en pratique, à deux obstacles majeurs. Le premier est simplement le droit européen. Une des quatre libertés fondamentales de l’Europe est la liberté de circulation des personnes. Si chaque pays désire désormais faire payer les contribuables non plus en raison de leur résidence fiscale, mais en raison de leur nationalité, ce principe fondamental explose.
Par ailleurs, en termes logistiques, appliquer une telle mesure relèverait du casse-tête. Le fisc français devrait négocier avec chaque pays où se trouvent des résidents français et avec lequel la France a signé une convention fiscale. « C’est totalement impraticable », commente Philippe Bruneau, un fiscaliste français interrogé par Les Echos. « Ces conventions fiscales ont une valeur supérieure aux lois nationales. Les autres pays ne sont pas obligés d’accepter et la France n’a pas de moyens de pression », dit-il.
L’exemple contesté des Etats-Unis
Quant à l’exemple américain, il n’est pas d’application dans les autres pays du monde. Les Etats-Unis ont en effet instauré depuis une dizaine d’années, une loi visant à lutter contre la fraude fiscale, le Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca).
Selon cette loi, toute personne née sur le sol américain ou ayant un de ses parents américains est considérée comme contribuable et doit payer un impôt aux Etats-Unis dès que son revenu annuel dépasse 125.000 dollars. De nombreux « Américains accidentels » contestent cette disposition, mais les Etats-Unis ont une arme de poids : ils demandent aux banques étrangères de leur fournir la liste de leurs clients ayant un « indice d’américanité » suffisant. Aucune banque ne peut refuser, sous peine d’être exclue de toute transaction en dollars, ce qui signifierait en pratique qu’elle ne pourrait plus avoir son droit d’entrée dans le système financier mondial.
Mais cette exception américaine, fortement contestée par ailleurs, est la seule. Aucun Etat membre de l’Union européenne ne peut s’appuyer sur FATCA pour vouloir instaurer une mesure similaire.
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