La FEB avertit : Les entreprises ne veulent pas revivre les années 70
Dans les années 70, nous avons vécu un cocktail très dangereux mêlant fragilité économique et instabilité politique, rappelle le patron de la FEB Pieter Timmermans qui estime qu’un pacte de compétitivité et des réformes budgétaires sont nécessaires pour éviter de rééditer l’expérience.
Notre économie est pour l’instant dopée par la baisse des prix de l’énergie (encore que, selon une étude réalisée par la FEB et Graydon, les factures énergétiques des entreprises ont doublé entre le premier trimestre 2022 et le premier trimestre 2023) et la hausse du pouvoir des ménages. Mais cette image relativement positive masque des points beaucoup plus noirs. C’est en substance le message délivré ce mardi par Pieter Timmermans, l’administrateur délégué de la fédération des Entreprises de Belgique (FEB) et Edward Roosens, le chief economist de la fédération.
Dopé à court terme
« À court terme, nos prestations économiques ont été dopées entre autres par une indexation très forte et par une baisse assez prononcée l’inflation, explique Edward Roosens. Mais le plus important est la dégradation assez forte de notre compétitivité, qui a un impact sur la balance extérieure, et la baisse de la rentabilité des entreprises, qui avec un impact sur les investissements, résume Edward Roosens. Si les coûts augmentent et que la rentabilité diminue, cela a pour conséquence que des entreprises multinationales s’interrogent sur l’opportunité d’investir encore en Belgique, et nous pouvons nous attendre à quelques délocalisations pour ces mêmes raisons ».
L’indexation automatique des salaires, qui a fait qu’entre 2022 et 2024 les salaires ont en effet augmenté de manière cumulée de 17%, a eu deux effets. Le premier est que, combiné aux mesures pour aider à traverser la crise de l’énergie, le pouvoir d’achat des ménages a fait mieux que résister. Le Bureau du Plan estime qu’il devrait augmenter de 3 à 4% cette année. Cela a dopé la consommation des ménages (qui a augmenté de 1,5% au cours des deux derniers trimestres). Le second est que le handicap salarial entre les entreprises belges et les entreprises de pays voisins s’est creusé de 5 points de pourcentage. Il est passé à 15% environ, contre 10% voici deux ou trois ans. Ce handicap réduit les investissements des entreprises et met notre balance commerciale sous pression.
Assainir le budget
Edward Roosens ajoute dans l’équation l’élément budgétaire : « Avec les efforts budgétaires réalisés (pour soutenir l’économie), avec le coût du vieillissement et le fait qu’il n’y a pas eu vraiment de réformes des pensions pour résoudre le problème, le déficit public est trop élevé. Il risque encore de s’accroître dans les années qui viennent. L’assainissement budgétaire va devoir se faire et aura donc un certain impact sur la croissance à plus long terme ». Mais c’est un mal nécessaire ajoute l’économiste : « sans cet assainissement, il y a le danger d’une réaction des marchés financiers qui s’inquiéteraient de la situation des finances publiques et de la stabilité à long terme ce qui pourrait provoquer une forte hausse des taux d’intérêt. Il vaut donc mieux que ce gouvernement, et en tout cas le gouvernement prochain, s’attelle à l’amélioration de la situation budgétaire. »
Face à ce constat, Pieter Timmermans s’adresse au pouvoir politique en délivrant deux messages : regardez à long terme. Et évitez de replonger le pays dans la situation des années 70, celle qui avait vu l’explosion de la dette publique.
Un iceberg qu’on ne veut pas voir
On pousse aujourd’hui des oufs de soulagement en se disant que l’inflation baisse, que la croissance économique n’est pas si mauvaise et que le pouvoir d’achat augmente, observe le patron de la FEB. Mais c’est un peu la situation du capitaine du Titanic qui regarde la partie émergée de l’iceberg.
« Les problèmes se situent en dessous de la ligne de flottaison, souligne le patron de la FEB. La compétitivité se dégrade encore de 5 points pourcentage, vous avez un coût du vieillissement alors que pour 100 personnes qui quittent le marché du travail seules 82 y entrent, et la balance commerciale est négative, ce qui signifie que nous exportons la richesse que nous avons en Belgique. Nous devenons donc plus pauvres alors que le problème de la dette publique est là et que les taux d’intérêt augmentent. Et personne ne fait mine de voir la partie immergée de l’iceberg : face aux prévisions de la Banque nationale ou du Bureau du Plan, la réaction politique est de dire que finalement ce n’est pas si grave que ça. »
Dès lors, les priorités politiques devraient s’inverser, ajoute Pieter Timmermans. « Nous sommes aujourd’hui en train de discuter d’une réforme fiscale pour augmenter le pouvoir d’achat alors qu’il augmente déjà. La compétitivité diminue et on veut encore la détériorer davantage. C’est l’inverse de ce qu’il faudrait faire, dit-il. Nous disons très clairement aujourd’hui que nous avons autant besoin d’un pacte de compétitivité et d’une réforme du marché du travail que d’une réforme fiscale ».
Pieter Timmermans ajoute : « les entrepreneurs ne veulent pas retourner dans les années septante où une instabilité politique se combinait à une fragilité économique. C’est un cocktail très dangereux ».
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