La Cour des comptes dénonce des irrégularités dans le budget de l’UE et s’inquiète pour la dette
Entre la gestion de la pandémie, l’aide à l’Ukraine, l’inflation… les finances de l’UE ont souffert ces dernières années, et particulièrement en 2022.
Voilà un rapport qui ne va pas calmer les ardeurs des débats autour du budget de l’Union européenne et du respect des normes, devenues trop nombreuses pour certains.
“Les erreurs dans les dépenses financées par le budget de l’Union européenne ont fortement augmenté en 2022” et “compte tenu de la fréquence des erreurs identifiées, nous avons maintenu une opinion défavorable pour la quatrième année consécutive” : résumé efficace du rapport annuel de la Cour des comptes européenne publié ce jeudi.
La Cour, qui se définit elle-même comme “une gardienne indépendante des intérêts financiers des citoyens européens”, a ainsi pour mission d’évaluer chaque année la manière dont le budget de l’UE est dépensé. Ce rapport conjugue l’évaluation de l’instrument de relance “NextGenerationEU” et le budget à long terme pour la période 2021-2027 (appelé CFP, cadre financier pluriannuel), qui ont tout deux contribué à relancer l’économie suite à la pandémie de Covid 19.
Des fonds combinés qui s’élèvent à 2 020 milliards d’euros. Pour 2022, les dépenses de ce budget ont atteint 196 milliards d’euros.
66% de dépenses à “haut risque”
Parmi les 196 milliards d’euros de dépenses financées sur le budget de l’UE, le niveau d’erreur a été évalué par la Cour des comptes à hauteur de 4,2%, ce qui représente un peu plus de 8 milliards d’euros. Un niveau d’erreur en nette augmentation par rapport à l’an passé, évalué alors à 3% (et c’était 2,7% en 2019 et 2020).
Les auditeurs considèrent que deux tiers, soit 66%, des dépenses contrôlées sont des dépenses dites à “haut risque”, c’est-à-dire des dépenses soumises à des règles complexes. C’est principalement le cas pour les paiements fondés sur le remboursement : les personnes concernées doivent non seulement démontrer qu’elles exercent une activité éligible à une aide, mais aussi fournir les preuves des coûts remboursables encourus.
Pour ce faire, elles doivent souvent suivre des règles complexes concernant ce qui peut être réclamé (éligibilité) et comment les coûts peuvent être correctement encourus (règles relatives aux marchés publics ou aux aides d’État). Ce qui confirme la vague de plaintes provenant des entreprises européennes de ces derniers temps concernant justement le trop plein administratif.
Et donc le niveau d’erreur estimé par la Cour ne reflète pas de fraude ou de gaspillage, mais bien une estimation des montants versés qui n’ont pas été utilisés conformément aux règles de l’Union et à celles en vigueur au niveau national. Néanmoins, quatorze cas de fraude présumée ont quand même été identifiés et deux enquêtes ont été ouvertes. Six de ces cas ont également été signalés au Parquet européen, lequel a ouvert trois enquêtes.
“Nos constatations montrent qu’une meilleure gestion du risque est nécessaire, car les dépenses présentant des anomalies ont considérablement augmenté, comme en témoigne le nombre d’erreurs que nous avons relevées dans le cadre de nos travaux“, a déclaré Tony Murphy, Président de la Cour des comptes européenne.
La dette, l’inflation et la guerre en Ukraine
La Cour des comptes alerte également sur la dette de l’Union européenne. Celle-ci a atteint 344,3 milliards d’euros en 2022 (contre 236,7 milliards d’euros en 2021). Cette hausse de plus de 100 milliards euros résulte principalement des nouveaux emprunts souscrits pour le fonds “NextGenerationEU” répondant à la pandémie.
Les coûts d’emprunt correspondants ont ainsi considérablement augmenté en 2022 en raison de la hausse des taux d’intérêt. Les auditeurs signalent que le retour à des taux d’inflation élevés a des conséquences non négligeables sur le budget européen. Compte tenu des prévisions de la Commission européenne en matière d’inflation, les auditeurs estiment que le pouvoir d’achat du budget de l’UE pourrait fondre de près de 10% en 2023.
« Il est évident que nous ne pouvons pas continuer à emprunter de l’argent sans disposer d’un plan de remboursement »
Tony Murphy, Président de la Cour des comptes européenne
L’exposition totale du budget de l’UE à des obligations futures éventuelles a augmenté pour culminer à 248,3 milliards d’euros fin 2022 (contre 204,9 milliards d’euros en 2021). Cette augmentation est due en partie à l’aide financière de l’UE en faveur de l’Ukraine, qui a plus que doublé de 2021 à 2022, passant de 7 à 16 milliards d’euros. Les auditeurs font remarquer que l’approbation de 18 milliards d’euros supplémentaires à la fin de l’année dernière aura pour effet d’accroître encore l’exposition des futurs budgets européens.
Après la pandémie, l’instabilité actuelle du continent européen, à laquelle s’ajoute maintenant l’invasion par l’Azerbaïdjan de l’Arménie, pèse sur le budget européen. Une période difficile pour les finances européennes qui n’a pas l’air de vouloir se terminer.
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