La Cour constitutionnelle défend le secret professionnel des avocats

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Dans un arrêt rendu le 11 janvier, la Cour constitutionnelle annule plusieurs dispositions de la transposition en droit belge de la directive DAC 6 qui combat les montages fiscaux agressifs.

C’est une victoire pour les avocats fiscalistes et leur secret professionnel. Le 11 janvier dernier, la Cour constitutionnelle « a censuré les textes transposant la Directive DAC 6 visant l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal qui imposait aux avocats de dénoncer les clients qui leur demandent de participer ou de mettre en place une opération transfrontalière qui pourrait s’avérer potentiellement agressive sur le plan fiscal. La Cour aboutit à la conclusion que cette obligation constitue une levée du secret professionnel contraire au droit au respect de la vie privée et au droit à un procès équitable. Elle annule en conséquence les dispositions législatives incriminées », explique sur LinkedIn la Vice-bâtonnière du Barreau de Bruxelles l’avocate Marie Dupont. Dans quatre arrêts, la Cour a en effet annulé plusieurs éléments des législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française qui transposent DAC 6 en droit belge.

DAC 6 et l’obligation de déclarer

DAC 6 est une directive européenne qui vise à lutter contre le blanchiment et renforcer la coopération entre les administrations fiscales des pays de l’UE en matière de montages potentiellement agressifs de planification fiscale. Elle concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations sur les dispositifs transfrontières. La directive instaure un mécanisme de déclaration de ces dispositifs fiscaux internationaux agressifs par les intermédiaires, et spécialement donc les avocats fiscalistes. Mais le texte européen prévoit aussi de dispenser ces intermédiaires de l’obligation de déclarer ces montages si  cette déclaration est « contraire au secret professionnel applicable en vertu du droit national dudit État Membre ».

Toutefois, dans la loi belge, certaines dispositions, notamment du CIR, visaient à empêcher les professionnels soumis au secret de s’en prévaloir dans le cadre des déclarations périodiques des « dispositifs transfrontières commercialisables ». Sous ce vocable, on entend les dispositifs transfrontières conçus, commercialisés, prêts à être mis en œuvre sans avoir besoin d’être adaptés de façon importante.

Un coup de canif dans le secret professionnel

« Ce qui fait l’originalité – mais aussi, pour l’avocat, le danger – de cette directive, est que l’obligation de déclaration à l’administration fiscale qu’elle instaure repose en premier lieu sur les intermédiaires (c’est-à-dire les personnes qui participent à l’élaboration ou à la mise en œuvre de ces dispositifs). Ce n’est que lorsque l’intermédiaire peut invoquer le secret professionnel ou qu’il n’y a pas d’intermédiaire, que l’obligation de déclaration existe dans le chef du contribuable. En outre, même lorsque l’avocat peut invoquer le secret professionnel dans ce contexte, il est, selon les textes législatifs critiqués, soumis à certaines obligations puisque dans un tel cas, il doit informer les autres intermédiaires, par écrit et de façon motivée, qu’il ne peut pas satisfaire à son obligation de déclaration à propos d’une opération donnée », font observer Pierre Sculier et Marc Fyon, respectivement président et administrateur d’avocat.be, l’ordre des barreaux francophone et germanophone.

Cette obligation d’informer les autres intermédiaires « implique nécessairement que les autres intermédiaires qui la reçoivent, acquièrent connaissance de l’identité de l’avocat qui leur écrit, du fait qu’il est consulté à propos d’une opération donnée et de son appréciation selon laquelle cette opération devrait faire l’objet d’une déclaration à l’administration fiscale », ajoutent-ils.

Législateur retoqué

Plusieurs recours ont donc été introduits devant la Cour constitutionnelle qui, déjà en juillet dernier (concernant un décret flamand), puis aujourd’hui, confirme dans ses arrêts l’importance de préserver le secret professionnel et retoque le législateur.

La Cour se réfère à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’UE et estime que « le secret professionnel de l’avocat est une composante essentielle du droit au respect de la vie privée et du droit à un procès équitable. Le simple fait d’avoir recouru à un avocat est soumis au secret professionnel. Il en va de même en ce qui concerne l’identité des clients d’un avocat. » Elle a donc annulé ce 11 janvier plusieurs dispositions des législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française qui transposent DAC 6 en droit belge.

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