La classe ouvrière quitte la gauche pour filer très à droite: les partis s’interrogent, aux Etats-Unis comme en Belgique

Paul Magnette, président du PS, veut se reconstruire dans l'opposition. BELGA PHOTO VIRGINIE LEFOUR
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

L’ancien candidat à la présidentielle Bernie Sanders fustige le stratégie des démocrates qui a oublié les préoccupations des travailleurs. Ce constat vaut en Belgique et partout en Europe. Au coeur du débat, un tryptique sulfureux immigration – assistanat – sécurité.

Kamala Harris, candidate démocrate défaite par Donald Trump à la présidentielle américaine, appelle son camp à “continuer le combat”. Mais à sa gauche, une voix dissidente n’épargne pas le camp en question. Berne Sanders, ancien candidat à la présidentielle, assène: “Ce n’est pas très étonnant que la classe ouvrière abandonne le parti démocrate dès lors que celui-ci l’a abandonnée“.

L’enjeu est vif aux Etats-Unis, avec un discours républicain viril ayant convaincu de nombreux “abandonnés” de la croissance américaine. Le tryptique sulfureux immigration – assistanant – sécurité se trouve au coeur du débat. C’est finalement la question que l’on retrouve au coeur des interrogations en Belgique et partout en Europe.

Le débat vit en Belgique

Significativement, la phrase de Bernie Sanders a été relayée sans autre discours par Zakia Khattabi, ministre fédérale écologiste. La veille, elle exprimait: “Si on veut inverser une tendance visiblement générale les progressistes perdants feraient bien de faire leur examen de conscience plutôt que de continuer à ‘juste” diaboliser le vainqueur, là-bas comme chez nous”.

Son collègue Gilles Vanden Burre,, chef de file Ecolo-Groen au parlement, abondait dans son sens: “Autant le projet de Trump me dégoûte, autant la déferlante de lamentations (souvent moralisatrices) me fatigue… Cette victoire doit surtout nous (progressistes) interroger sur les combats à mener et la manière de le faire afin de retrouver l’adhésion de nos concitoyens.”

Derrière sa condamnation, le président du PS, Paul Magnette, exprime lui aussi cette volonté de combat: “Ce que Trump et ses amis espèrent, c’est notre résignation. Nous n’allons pas leur donner cette chance.” Les socialistes veulent rester dans l’opposition cette législature pour se reconstruire. Une certitude: sa théorie “écosocialiste” n’a guère convaincu.

En Belgique, la gauche qualifie souvent Georges-Louis Bouchez, président du MR, de “mini-Trump” en raison de sa communication tranchée. Les libéraux ont toutefois atteint les 30% aux dernières élections avec un discours insistant sur ce fameux tryptique immigration -assistanat – sécurité. On peut le décrier, mais cela touche visiblement aux nouvelles préoccupations de ces délaissés de la société.

En Flandre, c’est un parti d’extrême droite qui en profite: le Vlaaams Belang. Même si, tant au Nord qu’au Sud, le PTB / PvdA attire aussi bon nombre de ces décus.

Dans l’Europe tout entière

La question est devenue centrale dans le positionnement politique. En France, la classes ouvrière a massivement quitté le PS pour rejoindre le Rassemblement National de Marine Le Pen et lui donner des chances d’accéder au pouvoir. En Italie, Giorgia Meloni en a déjà “profiter” pour devenir première ministre. En Allemagne, l’Afd progresse fortement dans les anciens Land d’Allemagne de l’Est.

Ce basculement très à droite est un effet du grand déclassement d’une partie de la population. La forte progression de l’inflation, ces dernières années, a été le coup de grâce qui les incite à changer de camp.

Après, cela demande des trésors de pédagogie pour leur expliquer qu’ils font fausse route ou que le nouveau camp choisi leur sera en réalité préjudiciable…

Les besoins fondamentaux

Aux Etats-Unis, en dépit du soutien du show biz et d’un discours plus structuré, Kamala Harris a donc échoué à convaincre. Michel Aguilar, conférencier internationale et auteur de best-sellers dans le domaine de la vente, analyse. “La campagne de Donald Trump offre un contraste frappant et permet de mieux comprendre son succès, écrit-il. Son message s’adressait aux besoins fondamentaux des Américains, en ciblant les quatre premiers niveaux de la pyramide de Maslow : la survie, la sécurité, l’appartenance et la reconnaissance. Avec le slogan MAGA, Trump promettait de restaurer un sentiment de fierté et de sécurité dans une Amérique en proie aux doutes identitaires.”

Michel Aguilar prolonge: “Kamala Harris, quant à elle, a incarné des valeurs plus élevées, centrées sur les aspirations collectives, la justice sociale, l’inclusivité — des idéaux qui correspondent au sommet de la pyramide de Maslow, celui de l’accomplissement de soi. Cependant, pour que de telles valeurs résonnent, les besoins primaires doivent d’abord être satisfaits. Or, aujourd’hui, de nombreux Américains se sentent en insécurité, incertains de leur identité face à l’évolution des normes sociales, parfois critiquées comme étant issues du ‘wokisme’, et voient leur image nationale s’effriter.”

CQFD.

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