La chasse à l’amiante est ouverte, que le pollueur paie… un max

Katwijk, the Netherlands - April 27, 2021: Dutch attention sign warning for prohibited access due to asbestos. © Getty Images

Zuhal Demir, ministre flamande de l’Environnement, aimerait voir Eternit contribuer davantage au désamiantage de la Flandre. Mais en a-t-elle juridiquement les moyens ?

La chasse au producteur d’amiante Eternit étant “rouverte”, selon un communiqué peu diplomatique – mais ne somme-nous pas en période électorale ? –, une première salve vient d’être tirée. Deux mises en demeure ont déjà été envoyées, l’une adressée à Eternit, l’autre à l’américain Johns-­Manville, autrefois propriétaire de J.M. Balmatt, une entreprise qui a, jusqu’en 1998, produit à Mol des matériaux contenant de l’amiante.

Un accord a certes été conclu en 2014 entre Eternit et la CD&V Joke Schauvliege, alors en charge de l’Environnement, par lequel Eternit s’engage à verser 4,8 millions d’euros d’ici 2030.

Armée des plus récents calculs de l’entreprise publique flamande de gestion des déchets (Ovam), la ministre actuelle estime ce montant totalement insuffisant. Eternit a en effet assuré à elle seule près des deux tiers de la production d’amiante-ciment (deux millions de tonnes) de la Flandre.

“Peanuts”

L’élimination de ce matériau omniprésent sous diverses formes, parmi lesquelles les fameux “ondulés” qui dans le secteur agricole couvraient un quart des toitures, coûte actuellement 1.500 euros par tonne. Un rapide calcul conduit dès lors à estimer que la seule élimination des déchets d’Eternit réclamerait, étalée sur 20 ans, quel­que 100 millions d’euros par an. En regard, les 4,8 millions de 2014 ne sont que peanuts et il serait, estime la ministre, “fondamentalement injuste” de répercuter le coût de cet assainissement sur le contribuable.

L’élimination de ce matériau omniprésent coûte 
actuellement 1.500 euros par tonne.

Sans doute mais comment remettre en question la transaction, en principe définitive, conclue en son temps par Joke Schauvliege ?
Deux pistes pourraient s’ouvrir.
– La première est le jugement rendu fin de l’année dernière par le tribunal de première instance de Bruxelles relevant que dans les années 1960 déjà, les scientifiques mettaient en garde contre les dangers de l’amiante. Que l’entreprise n’ait pas eu connaissance de la majorité de ces publications lui paraît impensable. Poursuivre la production était, dans ces conditions, une faute. En tirer argument semble toutefois présomptueux. Les partenaires ont en effet négocié en parfaite connaissance de cause et par ailleurs, l’objectif poursuivi en 2014 – éliminer les déchets – n’est plus celui de 2024 qui vise à rendre la Flandre asbestvrij, c’est-à-dire exempte d’amiante à l’horizon 2040.
– Reste l’autre piste: invoquer l’inconstitutionnalité du Fonds amiante qui bafoue, selon la ministre, le principe d’égalité entre victimes, un thème sur lequel ce parti s’est déjà cassé les dents. Fin 2022, la N-VA a perdu sur ce thème une de ses locomotives. Fatiguée de “se heurter à des murs qui ne bougent jamais”, Valérie Van Peel, à l’époque vice-présidente, avait en effet démissionné après le rejet par la majorité d’une proposition de loi visant à permettre aux victimes de l’amiante de porter plainte contre des entreprises, quand bien même elles auraient déjà obtenu des compensations du Fonds amiante, ce qui n’est pas autorisé à l’heure actuelle.

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