La BCE persiste et signe sur l’euro digital, au détriment des stablecoins : “Inutile, coûteux et dangereux”

Christophe De Beukelaer et Christine Lagarde - Belga Images
Baptiste Lambert

Francfort maintient son projet d’euro numérique, malgré les critiques croissantes sur son utilité et sa dangerosité démocratique. De quoi faire à nouveau sortir de ses gonds le député Christophe De Beukelaer (LE). D’autant que l’Europe serait en train de rater un virage bien plus important : celui des stablecoins.

L’euro digital, projet phare de la Banque centrale européenne, avance inexorablement. Alors même que plusieurs États membres commencent à douter de sa pertinence, la BCE continue d’y croire. Christine Lagarde, la présidente de la banque des banques, a déclaré cette semaine vouloir “accélérer le rythme” pour aboutir au mois d’octobre. Son objectif : une monnaie numérique de banque centrale (CBDC) contrôlée directement par Francfort, accessible aux citoyens via un portefeuille numérique plafonné à 3.000 euros.

Une architecture qui soulève pourtant de nombreuses objections. Bruno Colmant, économiste, évoque un projet “flou et coûteux”. Dans sa dernière chronique au Trends-Tendances, il pointe le risque d’un contrôle renforcé sur les flux financiers individuels, à l’image du modèle chinois.

De Beukelaer : “La BCE panique devant le dollar”

Christophe De Beukelaer, député bruxellois, se bat contre cet euro numérique depuis longtemps. Dans une récente interview qu’il nous a accordé, le chef de file des Engagés à Bruxelles expliquait tout le mal qu’il pensait de l’initiative de la BCE :  “C’est un outil de contrôle potentiellement énorme. Donner à une entité unique – la BCE – la possibilité de contrôler chaque euro numérique, de suivre chaque transaction, c’est ouvrir la porte à des dérives. Aujourd’hui, on vit en démocratie. Mais demain ? Ce pouvoir est trop grand pour une seule institution.”

Ce jeudi, face à la nouvelle déclaration de Christine Lagarde, le député n’a pu s’empêcher de pianoter son smartphone : “Après avoir diabolisé Bitcoin et les cryptos, et ainsi empêché les stablecoins en euro d’émerger, la BCE panique devant le dollar qui, au contraire, adopte cette nouvelle technologie. Pour noyer cette erreur et cet aveuglement, elle invente l’euro numérique qui est inutile, coûteux et dangereux. Quel gâchis.”

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Les États-Unis prennent une autre voie

Les stablecoins ont les avantages des cryptomonnaies tout en écartant leur principal défaut : leur volatilité. Pourquoi ? Parce qu’ils sont adossés à des actifs stables comme les bons du Trésor américain, par exemple, dans une parité 1 : 1 avec le dollar.

Et là où l’Europe verrouille, les États-Unis libéralisent. Washington a mis un frein à sa propre CBDC, au profit des stablecoins en dollars émis par des acteurs privés comme Circle. “C’est une triple stratégie : financer la dette, renforcer le dollar, et engranger des profits sur les intérêts”, analyse Bruno Colmant, qui y voit un bouleversement monétaire systémique, pas sans danger.

Mais cette dynamique entraîne déjà des effets concrets : la demande mondiale pour les stablecoins en dollars explose, renforçant l’hégémonie américaine. Et l’Europe ? Elle reste spectatrice. Un chiffre pour l’illustrer : l’industrie du stablecoin en dollar, c’est 250 milliards. Les stablecoins en euro, c’est 585 millions d’euros de market cap.

Ouvrir le jeu

“Le choix est idéologique”, tranche De Beukelaer. “Soit on fait confiance à un écosystème décentralisé, transparent, programmable. Soit, on impose un outil centralisé et potentiellement liberticide.” Il appelle à ouvrir le jeu : autoriser les stablecoins en euros, sous contrôle prudentiel, mais pas étouffés par la BCE.

Colmant va dans le même sens : à défaut d’élargir la réflexion, “l’euro numérique s’enfoncera dans un marécage jusqu’à son abandon”. Pendant ce temps, les acteurs étrangers, plus agiles, captureront le marché des paiements numériques européens. Selon l’économiste, c’est n’est qu’une question de temps avant qu’Amazon, par exemple, lance ses propres stablecoins.

Un virage à ne pas manquer

L’Europe a raté le coche d’Internet, puis celui de l’intelligence artificielle. Elle s’apprête à manquer celui de la révolution monétaire, s’inquiète Christophe De Beukelaer. Alors que les stablecoins redessinent la finance mondiale, le Vieux Continent s’accroche à une vision étatiste, déconnectée des usages réels.

Selon le député, c’est toujours la technologie la plus efficace qui finit par s’imposer. Or les stablecoins use la même technologie que les cryptos : la blokchain. “C’est plus rapide, plus efficace, moins cher. La blockchain permet de transférer, stocker, prêter, échanger de l’argent sans banque, de façon instantanée, transparente, sans frais démesurés.”

Là où le marché américain s’adapte et s’ouvre à cette technologie, le Vieux continent choisit la voie de la régulation et du repli : “L’Europe choisit le modèle chinois, public, fermé, ultra-centralisé, plutôt que le modèle américain, ouvert, concurrentiel. Et dans un secteur qui évolue aussi vite, c’est le meilleur moyen de se faire marginaliser”, conclut le député.

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