Karel De Gucht: « Le temps de l’OTAN est révolu. L’Europe doit assurer elle-même sa sécurité »

Karel De Gucht © BELGA PHOTO HATIM KAGHAT
Jozef Vangelder Journaliste chez Trends Magazine

Si l’Europe venait à être attaquée, elle sera seule, car les Américains ne viendront pas à son secours. C’est ce qu’affirme l’ancien ministre des Affaires étrangères, Karel De Gucht. Pour lui, l’Europe devra organiser sa propre défense. « Nous ne pouvons pas dépendre des États-Unis. C’est politiquement totalement inacceptable. »

À l’issue du sommet de l’OTAN qui s’est tenu le mois dernier à La Haye, un grand soulagement régnait. Les États-Unis continuent de soutenir l’alliance militaire qu’est l’OTAN. Une position qui, longtemps, était restée incertaine. Le président Donald Trump estimait que les membres de l’OTAN abusaient du parapluie militaire américain – et donc du contribuable américain.

À La Haye, les États membres ont toutefois promis d’augmenter leurs efforts de défense jusqu’à 5 % de leur produit intérieur brut (PIB), exactement comme Trump le réclamait. Le président américain est donc reparti satisfait. Cependant, la véritable question reste de savoir dans quelle mesure les membres de l’OTAN seront capables de tenir cette promesse. En d’autres termes, combien de temps Trump restera satisfait.

Lors du sommet de La Haye, il était frappant de voir à quel point le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, s’efforçait de rester dans les bonnes grâces de Trump. Il se montrait excessivement flatteur, allant jusqu’à le qualifier de « daddy ». Karel De Gucht, ancien chef de la diplomatie belge, refuse de commenter cette flagornerie, préférant se focaliser sur un problème bien plus fondamental : « Le temps où l’OTAN garantissait la sécurité de l’Europe est révolu. Nous devrons organiser nous-mêmes notre défense. »

L’Europe en est tout à fait capable, selon M. De Gucht. “Mais pas en six mois. Nous avons besoin d’un certain temps pour cela. Mais nous sommes seuls et compter sur les États-Unis est une erreur. »

Un bloc démocratique

Pour Karel De Gucht, le noeud du problème réside dans le célèbre article 5 du traité de l’OTAN. Cet article stipule qu’une attaque contre un membre de l’OTAN est considérée comme une attaque contre tous les membres. Chacun doit alors intervenir. Mais si l’Europe est attaquée, De Gucht doute fortement que les États-Unis passent à l’action. « Qui croit encore que, si quelque chose tourne mal ici, les Américains vont immédiatement intervenir ? Moi, je n’y crois pas une seconde. »

Que l’Europe prenne son autonomie en matière de défense ne signifie donc pas pour autant l’abandon de toute coopération internationale. Des partenariats, notamment avec les États-Unis, restent possibles, souligne l’ancien ministre des Affaires étrangères. Mais la dépendance actuelle envers Washington est malsaine. « Nous ne pouvons pas dépendre des États-Unis. C’est politiquement totalement inacceptable », insiste-t-il.

La guerre en Ukraine a mis en lumière, de manière brutale, la dépendance européenne aux systèmes américains – en matière de communication comme de renseignement. Pour De Gucht, cette situation est inacceptable : « Pour un bloc industriel, économique et politique de cette envergure – nous sommes le plus grand bloc démocratique au monde, et peut-être bientôt le seul – il est inconcevable de s’être laissé enfermer dans une telle dépendance. »

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