Face aux pressions de la Maison-Blanche, le président de la Fed tient bon. Alors que les taux d’intérêts devraient rester inchangés, ce mercredi, Jerome Powell incarne l’ultime rempart contre Donald Trump.
La Réserve fédérale américaine devrait maintenir ses taux d’intérêt dans la fourchette de 4,25 % à 4,50 %, ce mercredi. Ce choix, attendu par les marchés, se heurte frontalement aux injonctions de la Maison-Blanche, qui réclame une baisse drastique vers 1 %. L’administration Trump multiplie les attaques contre Jay Powell, qualifié récemment de « nigaud » par le président lui-même.
Ce n’est pas la pression qui manque. Russell Vought, ministre du budget, accuse Powell de réagir « trop tard » et critique le chantier de rénovation du siège de la Fed — 2,5 milliards de dollars selon les chiffres officiels, 3,1 milliards d’après Trump. Une « largesse monstrueuse », selon la rhétorique présidentielle.
Une relation dégradée
Nommé par Donald Trump en 2017 puis reconduit par Joe Biden, Jerome Powell est aujourd’hui l’un des rares hauts responsables fédéraux à ne pas s’être aligné sur la ligne présidentielle. Dès le premier mandat Trump, le divorce était consommé. En cause : un refus de céder sur la baisse des taux en pleine guerre commerciale.
Aujourd’hui, le bras de fer s’est durci. Visite présidentielle inédite au siège de la Fed, menaces à peine voilées de renvoi, accusations de gestion frauduleuse… Le tout sur fond de conflit idéologique sur l’indépendance monétaire.
Le risque d’une Fed instrumentalisée
La perspective d’un renvoi de Powell n’est plus totalement théorique. Une lettre de révocation aurait circulé au Congrès. Et si le président américain a déclaré qu’un tel acte n’aurait lieu qu’en cas de fraude, la conditionnalité ouvre la porte à un scénario qui fait frémir les marchés.
Car une destitution du président de la Fed aurait des conséquences systémiques. La Deutsche Bank évoque une hausse brutale des primes de risque sur les bons du Trésor, une chute du dollar et une dégradation de la crédibilité institutionnelle américaine.
Une indépendance en sursis
Malgré l’intensité des attaques, Jerome Powell reste inflexible. Il continue de privilégier la stabilité des prix, en dépit des appels pressants du gouvernement et des divergences croissantes au sein même du comité de politique monétaire. Deux membres pourraient voter pour une baisse dès cette semaine, à l’encontre du consensus, du jamais vu depuis 1993.
Mais Powell tient sa ligne : les effets inflationnistes des droits de douane ne sont pas encore digérés. Et il préfère attendre que les données confirment une désinflation durable avant de desserrer l’étau monétaire.
Pour le reste, il est vrai que l’économie américaine ralentit. Les prévisions indiquent désormais que le PIB n’augmentera que de 1,8% cette année, contre 2,8% l’année dernière. L’embauche, sans s’effondrer, ralentit.
Une sortie sous haute surveillance
Au-delà des taux, c’est son discours d’après réunion qui sera scruté de près par les marchés.
Le mandat de Powell court jusqu’en mai 2026. Mais d’ici là, l’horizon est incertain. L’homme incarne encore, aux yeux de Wall Street, un ultime rempart contre une politisation de la politique monétaire. Sa succession, si elle devait être précipitée, serait scrutée comme un test de la solidité démocratique des institutions américaines.
Dans un système de plus en plus polarisé, Powell apparaît comme le dernier résistant. Aux États-Unis, mais aussi, on l’a vu ces derniers jours avec les négociations européennes, dans le reste du monde.