Inquiets de la concurrence, les industriels demandent à l’Europe de créer une “Banque des batteries”

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Face à la concurrence américaine et chinoise, les industriels européens actifs dans la fabrication de batteries ont écrit à la présidente de la Commission européenne pour avoir une aide spécifique, à l’image de la Banque de l’hydrogène qui va démarrer cette année.

Dans la course aux batteries qui est cruciale pour conserver sur son sol une activité stratégique, l’industrie européenne s’inquiète de son retard et demande aux autorités européennes de prendre des mesures.

Une semaine avant le discours sur l’Etat de l’Union que doit prononcer la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, 19 entreprises et organisations lui ont écrit  afin de  demander que le Fonds européen pour l’innovation soit élargi pour stimuler la chaîne de valeur européenne des batteries. Parmi les 19 signataires, on trouve trois entreprises belges : Solvay, Nyrstar et Umicore (Voir la lettre ici).

Un fonds pour toute la chaîne de valeur

La grande revendication des industriels est de créer un fonds européen dédié à financer toute la chaîne de valeur nécessaire à la fabrication de batteries européennes.

« Il est essentiel d’adopter rapidement et à grande échelle des technologies vertes telles que les voitures électriques et les énergies renouvelables afin d’éviter les conséquences dévastatrices du changement climatique, écrivent les industriels. Or, il est impossible de le faire sans d’importants volumes de minéraux essentiels, notamment le nickel, le cuivre, le lithium, le graphite et les terres rares.   Pour assurer sa résilience et son autonomie stratégique, et pour que cette transition profite aux millions de travailleurs et de consommateurs européens, l’Europe doit s’assurer une place dans tous les maillons de la chaîne de valeur verte, de l’extraction et du traitement des matières premières au recyclage en passant par la fabrication de technologies propres. Le traitement intermédiaire des minéraux critiques est une lacune particulièrement préoccupante en Europe, qui justifie une attention urgente », notent les industriels.

Un soutien public à l’industrie est nécessaire, car les entreprises du vieux continent font face à une concurrence féroce : « Aujourd’hui,  soulignent les signataires, la Chine contrôle non seulement une grande partie de la fabrication de technologies propres, mais aussi 50 à 90 % de la capacité de traitement des minerais critiques nécessaires à cette fabrication, ainsi qu’à de nombreuses ressources mondiales. Les États-Unis rattrapent rapidement leur retard grâce à leur gigantesque programme d’investissement dans le cadre de la loi sur la réduction de l’inflation, tandis que le climat d’investissement en Europe s’est encore dégradé en raison du conflit en cours en Ukraine ».

Les réponses actuelles sont insuffisantes

Pour l’instant, les réponses européennes à cette concurrence accrue – le « Net Zero Industrial Act » qui vise à promouvoir la fabrication de technologies propres et le “Critical Raw Materials Act” qui vise à garantir l’approvisionnement en minerais essentiels – consistent surtout à permettre aux Etats membres, dans la limite de leurs moyens individuels, d’aider leur industrie nationale. Et la proposition de la Commission de créer une plateforme Technologies stratégiques pour l’Europe (STEP) pour soutenir les entreprises actives dans les technologies critiques pour la transition climatique « n’est ni suffisante ni suffisamment ciblée », estiment les industriels. Pour l’essentiel, expliquent-ils, elle redistribue des fonds déjà disponibles dans le cadre des plans de financement existants sans chercher à rationaliser l’accès de manière significative. Surtout, elle ne se concentre pas sur la chaîne de valeur des minéraux critiques consiste à réorienter les budgets existant vers cet objectif. »

Comme la banque de l’hydrogène

L’industrie européenne demande à la présidente de la Commission de « garantir un financement suffisant et dédié au niveau de l’UE – notamment via le Fonds européen pour l’innovation – qui soit aligné sur les critères de production de la loi sur les matières premières critiques pour 2030 tout au long de la chaîne de valeur, depuis l’exploration/l’exploitation minière responsable, le raffinage, le traitement intermédiaire (par exemple, les cathodes de batteries) et le recyclage intégré (y compris la récupération des matériaux) ».

La création d’une telle « Banque des batteries » ne serait pas une première. L’Europe a déjà créé un tel outil dédié, rappellent les signataires, avec la Banque européenne de l’hydrogène, cette structure, opérationnelle dès la fin de cette année, qui soutient, avec des fonds européens, le développement de l’hydrogène vert.

« Nous voulons que l’Europe se dote d’industries minérales critiques et de technologies vertes durables qui respectent des normes sociales et environnementales élevées et qui soient compétitives à l’échelle mondiale. En fin de compte, nous voulons que l’Europe réussisse à se tailler une place dans la chaîne de valeur mondiale des technologies propres de l’avenir », concluent les 19 signataires.

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