Inflation et salaire : a-t-on bien tout compris ?

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Un nouveau document du FMI suggère que les risques d’enclencher une spirale salaires-prix sont aujourd’hui contenus. De quoi désarçonner les banques centrales et ceux qui veulent une forte modération salariale ? Pas sûr.

C’est un nouveau pavé dans la mare des discussions économiques. Un groupe d’experts du fonds monétaire international (FMI) vient de publier une étude sur l’histoire des spirales inflationnistes, ces hausses des prix poussant aux hausses de salaires et réciproquement. Ils sont remontés jusqu’à 1960 et se sont demandés combien de fois ces spirales salaires-prix se sont produites et surtout quelles en ont été les conséquences.

L’inflation n’accélère pas

Le FMI s’est focalisé sur les épisodes, dans les pays les plus riches, où sur quatre trimestres consécutifs, on a observé pendant au moins trois trimestres une accélération des prix à la consommation et une augmentation des salaires nominaux. Et l’institution s’est demandé si ces épisodes passés pouvaient apporter des réponses aux questions d’aujourd’hui. “La discussion actuelle semble se concentrer sur la possibilité qu’une inflation salariale plus élevée constitue un nouveau choc de coûts pour les entreprises et que, par conséquent, l’inflation pourrait s’accélérer dans un avenir proche.”

Or, ce que montre le passé, est-ce que cette crainte est exagérée. “De manière peut-être surprenante, seule une petite minorité de ces épisodes a été suivie d’une accélération soutenue des salaires et des prix. Au contraire, l’inflation et la croissance des salaires nominaux ont eu tendance à se stabiliser, laissant la croissance des salaires réels globalement inchangée” note les experts. Quand on regarde la dynamique des salaires, “la croissance des salaires nominaux se stabilise normalement à des niveaux compatibles avec l’inflation observée et les tensions sur le marché du travail”. Autrement dit, dans la plupart des cas, l’inflation n’a pas enclenché le cercle démoniaque d’une hausse des salaires, enclenchant une nouvelle hausse des prix, enclenchant une nouvelle hausse des salaires, tout cela dans un mouvement de plus en plus rapide et inarrêtable. En règle générale, ces revendications salariales font que l’inflation est plus longue, mais pas plus agressive.

Moteur à deux temps

Cela ne signifie pas, évidemment, qu’il n’y a pas de lien entre hausse des salaires et hausse des prix. L’ancien économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, avait documenté le mécanisme : “ (a) les travailleurs souhaitent préserver ou augmenter les salaires réels ; (b) les entreprises souhaitent préserver ou augmenter les marges bénéficiaires par rapport à leurs coûts (salaires) ; et (c) les salaires et les prix nominaux prennent du temps à s’ajuster”. La conséquence de ces trois étapes est que l’inflation dure plus longtemps : “un choc inflationniste met du temps à se dissiper, car les travailleurs et les entreprises négocient les salaires et les prix par cycles”. L’inflation dure plus longtemps, certes, mais ne prend pas de la vitesse : “l’écart entre les salaires et les prix peut donc être considéré comme un élément qui prolonge l’inflation, mais ne l’accélère pas nécessairement.”

Si l’on se penche plus précisément sur la période actuelle, c’est d’ailleurs ce qui semble se passer. Le FMI anticipe, en se basant sur les périodes similaires du passé, un mouvement en deux temps. Un, “une accélération de l’inflation, une augmentation des salaires nominaux et, surtout, une baisse des salaires réels et du chômage”. Et deux, “une période de baisse de l’inflation tandis que la croissance des salaires nominaux augmente.t, permettant ainsi aux salaires réels de rattraper leur retard”.

Une précision, qui n’est pas du FMI : si ces deux temps sont espacés de deux ou trois ans dans la plupart des pays industrialisé, ils sont bien plus rapprochés en Belgique où existe l’indexation automatique des salaires et où donc l’adaptation des salaires aux prix est bien plus rapide.

Une question d’anticipation

“Mais les décideurs ne doivent pas pour autant se reposer sur leurs lauriers”, ajoute le FMI : il existe des différences d’un épisode à l’autre, et certaines flambées d’inflation sont bien plus difficile à éteindre que d’autres. “Aux États-Unis, par exemple, l’inflation a continué d’augmenter et les salaires réels ont diminué pendant un certain temps après 1979, lorsque l’économie a été frappée par de nouvelles hausses des prix du pétrole. La trajectoire de l’inflation n’a changé que lorsque la Réserve fédérale a fortement augmenté les taux d’intérêt”. Il en a été de même en Europe à l’époque.

Les attentes des ménages et des entreprises quant à l’évolution de l’inflation ont une grande importance dans la dynamique des salaires et des prix. Et elles influent aussi sur les mesures que les responsables politiques doivent prendre après un choc inflationniste. Or, il semble que les anticipations d’inflation soient devenues aujourd’hui plus importantes pour expliquer la dynamique des salaires. Et dès lors, il ne faut pas s’attendre, malgré la mise en lumière des épisodes passés, à une plus grande clémence des banques centrales aujourd’hui.

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