“Il faut encourager le chômage temporaire ‘partiel'”
Bruno Van Der Linden, économiste (UCLouvain) et spécialiste du marché du travail invite à ne pas oublier l’impact de la crise actuelle sur la situation financière des demandeurs d’emploi.
L’accès au chômage temporaire a été grandement facilité pour faire face à l’afflux de demandes. Redoutez-vous des abus ?
Il me paraît logique de ne pas avoir mis 36 verrous à l’entrée, car cela aurait compliqué les dispositions urgentes. Maintenant, il faut se poser la question des ajustements éventuels du dispositif. Les syndicats ont signalé que des travailleurs en maladie basculaient vers le chômage temporaire, il faut pouvoir contrôler cela même si, j’en conviens, ce ne sera pas simple. Le dispositif peut aussi être adapté en vue de favoriser le maintien partiel en activité. Sans détricoter bien entendu les mesures sanitaires, on pourrait envisager que le taux de remplacement (c’est-à-dire le rapport entre l’allocation de chômage temporaire et le salaire perdu) soit plus élevé en cas de maintien partiel en emploi. Cela peut aider à partager le travail, à préserver une activité, même très ralentie, et surtout cela pourrait être utile lors du ” déconfinement “. L’économie s’est arrêtée brutalement mais la remontée sera progressive. Il y aura un mélange entre du travail certains jours et du chômage temporaire d’autres jours.
Des pans entiers de l’économie sont à l’arrêt mais des secteurs ont besoin de renforts (santé, distribution, agriculture). Pourquoi est-ce si compliqué de glisser du chômage temporaire vers un employeur temporaire ?
Les mesures récentes ont été prises en veillant à ce que cela soit permis. L’idée peut paraître simple comme cela mais sa mise en oeuvre concrète n’est pas évidente du tout : quelle est la nature du lien avec le nouvel employeur ? Quel est le type d’assurance en cas d’accident de travail ? Quelles balises en termes de rémunération ? Peut-être le secteur de l’intérim dispose-t-il de l’expertise nécessaire pour jouer ce rôle d’intermédiation.
L’octroi d’une prime spécifique pour les personnes qui ont continué à exercer le même job qu’avant, vous semble-t-il pertinent ?
Il faut voir cela comme une reconnaissance du risque encouru par ces travailleurs. Cela n’aurait pas de sens pour moi qui continue à enseigner à distance mais, pour tout une série de métiers, cela peut se justifier. La question est de savoir qui paie la prime : la collectivité ou l’employeur ? Il est difficile d’apporter une réponse unique car la situation est très différente pour des aides-soignantes dans un hôpital ou pour les employés d’entreprises très sollicitées. Il ne faudrait pas oublier les demandeurs d’emploi. C’est très bien de s’occuper massivement des salariés et des indépendants à l’arrêt. Mais les chômeurs sont aussi impactés. Le compteur de la durée de chômage, qui intervient dans le calcul des allocations dégressives et dans le droit aux allocations d’insertion, pourrait être arrêté. Ce n’est pas une logique gauche-droite mais une logique d’assurance : comment assure-t-on les travailleurs face à de tels chocs, ceux qui ont perdu leur emploi, ceux dont le CDD ne sera pas renouvelé ?
Dans ” Regards Economiques “, Bruno Van der Linden publie avec des collègues de l’UCLouvain et de la KULeuven un article intitulé ” L’assurance-chômage belge face à la crise du Covid-19 “.
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