Christophe De Caevel
Get Up Wallonia attendra au moins jusqu’en septembre…
Jusqu’à présent, les gouvernements successifs ont toujours préféré s’entêter dans une voie sans issue que prendre le risque de susciter une fronde.
En politique, il faut savoir donner du temps au temps. Cette maxime mitterrandienne, le gouvernement wallon semble l’avoir parfaitement intégrée: le plan Get Up Wallonia, initié en avril 2020 dans le but de projeter la Région dans l’économie post-Covid, n’en finit pas de retarder l’heure des décisions. Après la consultation citoyenne, les task forces et les consultants externes, on s’attendait à un coup d’accélérateur avec le décryptage de ce monceau d’idées par neuf professeurs d’université.
Jusqu’à présent, les gouvernements successifs ont toujours préféré s’entêter dans une voie sans issue que prendre le risque de susciter une fronde.
Il faut à nouveau déchanter. La Wallonie en est toujours à l’heure des constats et des déclarations d’intention. Le large brassage d’idées a certes été ramené à 51 propositions d’action mais celles-ci demeurent très vagues au regard, par exemple, des fiches détaillées présentes dans le volet belge du plan de relance européen porté par le secrétaire d’Etat Thomas Dermine. Le rapport académique (380 pages) doit maintenant passer à la moulinette des intercabinets, qui vont notamment procéder aux arbitrages budgétaires, afin que le plan de relance wallon puisse être opérationnel en septembre prochain. Le ministre-président Elio Di Rupo appelle cela “mettre le turbo”.
Cet attentisme est d’autant plus triste que le document regorge de pistes utiles pour remettre l’économie wallonne sur les rails. A commencer par le fait de placer la formation en tête des cinq axes de reploiement, une manière d’en faire symboliquement la priorité absolue. Personne n’a toutefois attendu Get Up Wallonia pour comprendre que l’enseignement en alternance devait devenir “le nouveau normal” ou qu’il fallait renforcer l’attractivité des filières dites Stem (sciences, techniques, ingénierie et mathématiques). Il est plus qu’urgent de dépasser ce discours incantatoire seriné depuis 20 ans et de passer à l’action. Cela implique de changer des habitudes, de réorienter des budgets et dès lors, de faire aussi de nombreux mécontents. Jusqu’à présent, les gouvernements successifs ont toujours préféré s’entêter dans une voie sans issue que prendre le risque de susciter une fronde. Oseront-ils agir autrement cette fois-ci? Par exemple en suivant les neuf académiques qui pointent le fait que la Région finance des structures de sensibilisation aux Stem (les Cités des métiers, le Pass à Frameries, etc.) “sans effet apparent sur le nombre d’inscrits/diplômés dans les filières scientifiques” et suggèrent en conséquence de revoir le financement de ces structures en y intégrant une optique de résultat. Pas sûr que cette idée enchante vraiment tout le monde…
En matière d’économie, les professeurs d’université recommandent d’agir désormais par filières et chaînes de valeur plutôt que par secteurs comme le font les pôles de compétitivité depuis 2005 sans parvenir à “empêcher le déclin continu de l’industrie dans l’économie wallonne”. Quelles sont ces filières à creuser et ces secteurs à abandonner? On ne répond pas à cette question sans s’attirer les foudres des partenaires sociaux des entreprises touchées par la réorientation des moyens. Mais si on n’y répond pas, si on se contente de poursuivre le même chemin sans faire de vagues, on ne suscite pas non plus le relais d’enthousiasme dans la population et les entreprises. Or, ce relais est indispensable. “Le gouvernement ne peut pas tout, a déclaré le ministre-président Elio Di Rupo lors de la présentation de ce rapport des académiques. Il nous faudra la participation et le volontarisme des partenaires sociaux, du monde de l’éducation, des associations pour créer un puissant mouvement. Sans un minimum de volonté des opérateurs, nous ne gagnerons pas le relais 4×400 m ou le 1.000 m.”
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