Les statistiques permettant d’analyser la distribution et la répartition des revenus et des patrimoines retiennent de plus en plus l’attention, surtout depuis la crise de 2008. La Banque nationale a publié ce lundi pour la première fois ses premiers comptes nationaux distributifs. Ils combinent les données des comptes nationaux avec des sources administratives et des enquêtes, permettent d’avoir une analyse plus fine des indicateurs économiques selon le type de ménage, le niveau de revenu et la principale source de revenu.
Ces nouvelles statistiques « mettent d’abord en évidence une inégalité de revenus structurellement plus élevée en Belgique qu’on ne le supposait auparavant », souligne Géraldine Thiry, directrice de la Banque nationale de Belgique en charge des statistiques. Le coefficient de Gini, qui mesure l’inégalité sur une échelle de 0 (égalité parfaite) à 100 (inégalité maximale), dépasse systématiquement 30 dans ces nouvelles statistiques, alors qu’il était de 25 dans les estimations basées sur les enquêtes statistiques menées chaque année dans les pays de l’Union européenne. Cette différence s’explique principalement par une meilleure capture des revenus du capital (dividendes, intérêts), qui sont fortement concentrés chez les 1 % les plus riches.
Le dixième décile, soit les 10% les plus riches, affiche un revenu disponible (soit un revenu après impôts, taxes et cotisations) en moyenne de plus de 250.000 euros par an, mais il y a une très forte disparité entre les 1% les plus riches, qui ont des revenus primaires (avant impôts et cotisation) de plus de 600.000 euros, et les 9% restants, qui affichent des revenus d’un peu plus de 200.000 euros « seulement ». Il y a donc une grande inégalité parmi les plus riches ! Après redistribution, cette inégalité subsiste, les 1% affichant des revenus disponibles de 430.000 euros environ, contre 150.000 euros environ pour le reste du décile.
Épaules les plus larges
« Bien qu’il soit vrai que les épaules les plus solides portent les charges les plus lourdes en termes absolus, on observe que le top 1 % fausse la donne. Leur part dans le revenu total est si importante qu’elle influence la répartition générale », souligne Géraldine Thiry.
Une autre manière de calculer la répartition des richesses est de voir quel pourcentage de la population détient 10% du montant total du revenu disponible des Belges. D’un côté, un petit groupe de 98.000 ménages (291.000 personnes), soit 1,8% du total, perçoit un dixième de l’ensemble des revenus disponibles. À l’autre bout, 1,4 million environ de ménages (soit 27, 5%) perçoivent le même montant, soit 10% des revenus disponibles.
« Ces nouvelles statistiques distributives montrent aussi le rôle des transferts sociaux en nature dans la réduction des inégalités, la forte concentration de l’épargne dans les groupes à hauts revenus », ajoute la directrice de la Banque nationale.
40% des ménages « désépargnent »
La capacité d’épargne est en effet très diverse au sein de la population. En réalité, seuls 40% des ménages épargnent. Le reste n’épargne pas, voire désépargne : 40% des ménages vont ainsi puiser dans leur bas de laine ou emprunter pour nouer les deux bouts : un cinquième des ménages est ainsi en déficit moyen de 15.000 euros par an, et un autre cinquième est dans le rouge en moyenne à hauteur de 5.350 euros.
Un chiffre qui étonne les statisticiens de la Banque nationale eux-mêmes et qui peut s’expliquer en partie par le fait que, dans les ménages, on compte aussi les personnes âgées qui vivent dans des maisons de retraite, et qui sont aidées par leurs enfants (si ces derniers en ont les moyens). Il y a aussi les retraités qui ont constitué une épargne au moment de leur vie active et qui y puisent une fois qu’ils arrêtent de travailler. « Mais ce chiffre correspond aux enquêtes, ajoute Géraldine Thiry, dans lesquelles environ 40% de la population signale qu’elle a du mal à nouer les deux bouts ». De l’autre côté du spectre, un cinquième des ménages parvient en moyenne à épargner 53.500 euros par an.