Georges-Louis Ier, 
roi de Wallonie

BRUSSELS, BELGIUM - JUNE 10 : Georges-Louis Bouchez, President of Mouvement Reformateur (MR) the day after he won the elections pictured on June 10, 2024 in Brussels, Belgium, 10-06-24 ( Photo by Xavier Piron / Photonews ) © Photo News
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le jeune loup libéral a triomphé de façon spectaculaire et inattendue aux élections du 9 juin. 
Le voilà au pied du mur des réformes socio-économiques. L’agenda est clair, la volonté de leadership réelle, reste à savoir s’il pourra dépasser la com’ et emmener tout le monde avec lui.

Ne l’appelez pas “Sire” ou “Majesté”, mais Georges-Louis ou GLB. Ne lui parlez pas de palais surannés ou de discours ampoulés, mais de Formule 1 et de débats fiévreux sur les réseaux sociaux. A 38 ans, le président du MR est devenu roi de Wallonie et de Bruxelles en triomphant lors des élections du 9 juin. Une victoire nette et sans bavure.

C’est un roi hors norme, hyperactif, polarisant, obsédé par la communication, stratège aussi. Le voilà sacré, son parti étant de loin le premier de Belgique francophone, pour porter une révolution de centre-droit, avec le soutien des Engagés en binôme à tous les niveaux de pouvoir, de la N-VA au fédéral et d’une alchimie qui sera compliquée à trouver en Région bruxelloise. Et sans le PS de Paul Magnette, qui a choisi l’opposition à tous les niveaux de pouvoir.

“Maintenant, au travail”, a-t-il asséné, après le bain de foule vite savouré, le soir des élections. GLB est convaincu que les cartes redistribuées permettront de “former rapidement des gouvernements”. Les majorités possibles pourraient être figées d’ici le 21 juillet. Le jour de la fête nationale, un nouveau roi serait appelé à régner.

Le roi au sacre inattendu

Cette victoire, Georges-Louis ­Bouchez la savoure d’autant plus qu’elle était inattendue: les sondages donnaient le MR au coude-à-coude avec le PS en Wallonie, et non pas à près de 30%, un score dont il rêvait et qu’il a atteint dans l’adversité. Nombreux souhaitaient son échec. PS et Ecolo, partenaires devenus adversaires, n’ont cessé de le conspuer: non, ils ne souhaitaient plus travailler avec lui. Les derniers débats de campagne ont été violents, jusqu’à cette confrontation pratiquement inaudible face à Paul Magnette dans le “cube” de la RTBF à Namur, à l’issue de laquelle les deux hommes ont promis qu’ils feraient tout pour gouverner l’un sans l’autre.

Depuis le 9 juin, il marche sur l’eau, veut ­transformer l’essai et les milieux ­économiques 
y sont plutôt favorables.

Avant cela, durant quatre ans à la tête du parti, Georges-Louis ­Bouchez avait déjà dû faire face à des frondes internes en raison des remous causés par son positionnement décomplexé. “Ce ne furent pas quatre années simples”, reconnaît-il. Ses “amis” regrettaient son agressivité et son “populisme”, privilégiant le contour plus doux de l’ex-Première ministre Sophie Wilmès ou celui plus rond du ministre wallon Willy Borsus. Le futur roi n’en a eu cure, déterminé, jetant ses forces dans la bataille jusqu’à en perdre la voix en bout de campagne. Sûr, intuitivement, d’être dans le bon. C’est dire combien il a savouré les applaudissements de ses détracteurs. Une joie d’autant plus grande que le 9 juin, c’était la fête des pères, la première pour lui en tant que papa.

Le roi a capturé l’air du temps

Ce sacre d’un roi bleu, personne ne le voyait venir. Le feu follet venu de Mons, désigné à la tête du parti en novembre 2019 pour suppléer Charles Michel, a su saisir l’air du temps, ce besoin devenu viscéral de changement en Wallonie et à Bruxelles. Un désir de renouveau porté vers le centre-droit, destiné à mettre fin au règne socialiste et aux diktats écologiques. “Les retours de terrain sont bons”, ne cessait-il de dire ces derniers temps, insistant pour que l’on tienne compte des lames de fond de l’opinion publique, celles qui donnent le ton de la politique, pas des incidents médiatiques comme ce dernier clash ‘raciste’ entre un député PTB et son collègue Pierre-Yves ­Jeholet, monté en épingle de mauvaise foi, selon lui.

GLB soulignait, au contraire, combien la question du travail est devenue prioritaire en Wallonie. Une thématique développée en permanence, du taux d’emploi famélique de la ville de Charleroi – celle de son rival Paul Magnette – au manque de valorisation des salaires face aux allocataires sociaux choyés par les socialistes. “Cette question vit dans les quartiers”, disait-il. Même chose avec ce sentiment d’insécurité, ce rejet de l’immigration chaotique ou les complaintes des policiers. En témoignait cet exemple répété en boucle, durant la campagne, d’un policier namurois ayant distribué “105 ordres de quitter le territoire à la même personne”. Avec GLB, pas de langue de bois.

Le locataire ambitieux du boulevard de la Toison d’Or a trouvé un nom de code pour cet art de casser les codes: la “droite populaire”. Loin du “libéralisme social” cher à Louis Michel, quoique, le but étant de toucher les classes laborieuses et tous ceux qui ont le sentiment d’être délaissés par une politique “moralisatrice”. Ce positionnement a fini par payer, tout comme le fait de marteler sans cesse le besoin de réformes.

“Nous sommes devenus un vrai mouvement populaire”, se réjouissait-il au lendemain du scrutin, se félicitant même que le succès du MR ait réussi à diminuer le score du PTB en Wallonie et à empêcher l’émergence de formations d’extrême droite. Comme si son populisme démocratique luttait, en réalité, contre les extrêmes.

Elections fédérales: 
les partis arrivés en tête par commune

Le roi incarne les réformes

A force de “participopposition” et de fronde contre les majorités dont il faisait partie, Georges-Louis Bouchez a pratiquement su faire oublier que son parti était au pouvoir durant toute la législature passée. Telle une ligne claire, il a martelé les bases de la “révolution de centre-droit” qu’il entend désormais incarner. Avec une volonté de réformer et de… remettre sur l’établi des chantiers qu’il estime bâclés.

Le nouveau roi plaide ainsi pour une réforme fiscale qu’il a bloquée au fédéral, car il doit bien s’agir d’un tax cut et pas d’un tax shift. Il entend à tout prix augmenter le taux d’emploi avec une limitation des allocations de chômage dans le temps et un meilleur accompagnement. Il veut réformer les pensions, ce monstre du Loch Ness. En Wallonie, cap sur une simplification des structures et un recentrage des priorités pour soutenir la relance économique. En Fédération Wallonie-Bruxelles, la volonté consiste à revaloriser l’enseignement en revoyant le Pacte d’excellence. En Région bruxelloise, mort à Good Move pour “libérer la mobilité”. Avec lui, peu de concessions.

“Notre programme était clair, le signal envoyé par l’électeur l’est donc, forcément”, plaide-t-il, en homme pressé qui veut réaliser “tout son programme”. Il devra pourtant composer avec les désirs de ses partenaires, dont des ­Engagés mettant l’accent en retour sur leurs préoccupations sociales et en matière de santé. Balle au centre.

GLB aura-t-il la patience et 
la capacité d’écoute nécessaire pour emmener tous les Wallons avec lui? Ce sera le test.

Le roi veut du “leadership”

Son ambition? Diriger un exécutif. Le roi Bouchez n’exclut pas de devenir ministre-président de Wallonie pour incarner cette révolution. “Si l’on peut réaliser notre programme”, répète-t-il. En tout état de cause, le libéral regrette le manque de concrétisations de ces dernières années et insiste sur un besoin de “leadership”. Traduction: il faut des coalitions resserrées – cela tombe bien, c’est possible en Wallonie avec deux partis – et des gouvernements avec moins de ministres. En Fédération Wallonie-Bruxelles, le MR souhaite en revenir à des “doubles casquettes”, des ministres cumulant leur fonction en Wallonie ou à Bruxelles avec celle de la Fédération. Mot d’ordre: de l’efficacité pour aller droit au but.

Au niveau belge, Georges-Louis Bouchez appelle de ses vœux un Etat qui fonctionne mieux, sans tuyauterie institutionnelle. Pour répondre à la N-VA qui souhaite davantage d’autonomie, il propose une responsabilité financière des Régions. Pour cela, pas besoin de majorité des deux tiers. “Cela tombe bien, cela forcera les réformes”, sourit-il. De même, “on peut mener des politiques territoriales sans transférer des compétences.” Le nouvrau roi, faut-il le rappeler, est un belgicain convaincu, avec le drapeau belge épinglé au costume, ce qui a le don d’irriter Bart De Wever. D’autant plus qu’il n’a cessé de venir défendre ses idées à la télévision flamande… en français. Qu’importe, les journalistes flamands sont friands de son franc-­parler et de sa capacité à dénoncer les idées “débiles” de ceux qui n’ont pas l’heur de lui plaire.

Le roi devra dépasser 
la com’

Depuis le 9 juin, Georges-Louis Bouchez marche sur l’eau, veut transformer l’essai et les milieux économiques y sont plutôt favorables. Mais il reste une crainte, réelle, que ce nouveau roi soit aveuglé par le soleil, obnubilé par son nombril et figé dans une logique stricte de communication. “Lors d’une discussion avec d’autres patrons, tous me vantaient ses qualités, nous disait un CEO , après le scrutin. Mais lorsque je leur ai demandé s’ils l’engageraient dans leur équipe, tous m’ont répondu par la négative.”

Pourra-t-il résister à cette soif inextinguible d’exister? Pourra-t-il s’empêcher, parfois, d’envoyer un message tranchant sur X (ex-Twitter) pour éclater un opposant ou polariser le débat démocratique? Pas le genre de la maison. Après avoir tout fait pour se créer un nom, l’homme s’est toutefois calmé. Papa, il a gagné en maturité. Devenu roi de Wallonie, sera-t-il de nature à rassembler et à porter une équipe en vue d’obtenir des résultats tangibles? Ses collaborateurs proches disent qu’il a su le faire dans l’équipe qui a mené le MR au triomphe électoral. L’homme est un dynamiteur, un forçat de travail, qui sait reconnaître l’investissement de ceux qui lui sont fidèles.

“Je ne me soucie guère de l’avis de mes adversaires ou des analystes”, glissait-il dans un entretien. Sur les réseaux sociaux, il relaie les messages de citoyens ordinaires, parfois tranchés, pas trop d’institutions reconnues. Dans les cercles plus ou moins proches du pouvoir, on craint sa volonté de nettoyer. “Avec lui, vous pouvez être sûr que le Comité de gestion du Forem pourrait être écarté du jour au lendemain, nous dit une source wallonne. Ce serait brutal, mais peut-être a-t-on besoin d’un électrochoc pour que les choses bougent.” Sera-t-il ce décapsuleur-là? Et l’acceptera-t-on?

Le roi avancera 
dans l’adversité

Les pièges sont nombreux sur sa route, semés par ceux qui l’ont en horreur. En choisissant l’opposition à tous les niveaux de pouvoir, le PS lui tend un piège en Région bruxelloise qui pourrait être bloquée, tant l’alliance MR-PS semblait le seul gage de stabilité. “D’autres formules existent, cela pourrait aller vite, là aussi”, écarte-t-il.

Georges-Louis Bouchez s’est forgé dans l’adversité, ce n’est pas cela qui va l’arrêter. Il a grandi politiquement en faisant d’Elio Di Rupo, alors bourgmestre de Mons, son principal rival. Au fil des ans, le conseil communal de sa ville est devenu un lieu de mise en valeur de ses idées contre le socialisme. En marchant sur les traces de son premier mentor, Didier Reynders, puis en séduisant son deuxième maître, Charles Michel, le jeune roi a construit son chemin vers le sommet. Un MR numéro un.

La route vers cette révolution de centre-droit, GLB l’a ouverte à coups de confrontations verbales. Pour lui, le plus dur commence: concrétiser le changement, redresser la Wallonie, écrire un nouveau récit et convaincre. Le roi aura-t-il la patience et la capacité d’écoute nécessaire pour emmener tous les Wallons avec lui? Ce sera le test. En sachant que, frustrés ou blessés, ses adversaires ne lui feront aucun cadeau. z

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content