Vivre vieux ou vivre bien ?
Pour le président de la Mutualité Chrétienne, la qualité – une vie pleine de sens – devrait l’emporter sur la quantité – une longue vie –, mais son message est, en Flandre, très mal perçu.
Dans un quart de siècle, notre pays comptera près de 1,3 million de personnes âgées de plus de 80 ans, pratiquement le double d’aujourd’hui. Actuellement déjà, quatre personnes sur cinq âgées de plus de 65 ans souffrent d’au moins une maladie chronique, généralement liée à des problèmes de cœur, de thrombose ou de diabète. Nous mettons tout en œuvre pour prolonger la durée de vie mais sans nous préoccuper de la qualité de celle-ci, s’étonne Luc Van Gorp, patron de la Mutualité Chrétienne au terme d’une étude basée sur le profil 2016-2022 des seniors couverts par l’organisation mutualiste qu’il préside.
Première mutuelle du pays, la Christelijke Mutualiteit (CM) détient au niveau national une part de marché de 46,3% parmi les plus de 65 ans. Un peu plus des trois quarts d’entre eux (76%) sont établis en Région flamande. Ce vieillissement a bien entendu un coût mais multiplier les maisons de repos et de soins a-t-il du sens lorsque dans le même temps, l’on ne se préoccupe guère du personnel appelé à prendre en charge leurs pensionnaires, dont la qualité de vie s’en trouve de la sorte altérée? “Si certains de ces centres avaient accueilli des animaux plutôt que des êtres humains, il y a longtemps que Gaia aurait porté plainte et que ces établissements auraient été fermés”, s’indigne Luc Van Gorp.
Pour Luc Van Gorp, il faut absolument changer de cap et (re)placer la qualité de vie au centre de tout.
Décider que cela suffit
On ne compte plus les postes à pourvoir et les projections en la matière sont apocalyptiques. Aux Pays-Bas, ActiZ, une coupole qui regroupe quelque 400 associations actives dans le secteur des soins, estime le manque de personnel à 243.000 employés en 2050, près de 10 fois le déficit actuel ! Si rien ne change, nous allons au crash, prédit Luc Van Gorp, pour qui il est urgent de mettre l’accent sur la qualité de vie plutôt que sur sa durée. Toutes les personnes gravement atteintes, commente-t-il, ne sont pas demandeuses d’une opération qui prolongera leur existence de quelques jours, voire de quelques heures. Davantage soucieuses de la qualité de leur fin de vie, elles peuvent, par exemple, réclamer un retour à la maison pour s’y éteindre paisiblement, entourées de leurs proches. Ou tout simplement décider que cela suffit, au terme d’une vie pleinement vécue.
Pour Luc Van Gorp, il faut absolument changer de cap et (re)placer la qualité de vie au centre de tout. Sont notamment visés les distributeurs de billets qui disparaissent, les magasins de proximité qui ferment, les arrêts de bus qui s’éloignent, les ordinateurs qui téléphonent, le tissu relationnel qui s’amenuise au fil des ans, la solitude, le manque de revenus, etc. Bref, il faut recréer un environnement dans lequel chacun pourra vivre pleinement sa vie et décider librement et en pleine connaissance de cause du moment où il souhaitera la quitter. Tenus par le dirigeant d’une institution aux racines chrétiennes, ces propos, indubitablement, dérangent, mais la virulence de certains commentaires ne montre-t-elle pas qu’il a touché juste ?
Guillaume Capron
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