Une saignée de 150 km pour relier Anvers à la Ruhr: un projet qui divise
Rien n’est jamais définitif en politique. Après plus de 4.300 réactions négatives, les Limbourgeois pensaient définitivement abandonnée l’idée de relier Anvers à la Ruhr par pipelines. Ils se trompaient.
Jo Brouns, nouveau ministre en charge de l’Environnement, a-t-il finalement cédé aux sirènes de l’industrie ? “Le pipeline doit être considéré comme un mode de transport à part entière et dans ce cadre, commente sa note politique, nous allons réactiver le Plan régional d’aménagement du territoire (GRUP) relatif au tracé de la ‘rue’ qui doit permettre la pose de pipelines entre le port d’Anvers et la Ruhr en Allemagne.” Il y aurait même urgence. Les travaux seront exécutés dans un laps de temps aussi court que possible, précise en effet le document. Et ils seront d’envergure, entraînant dans les provinces d’Anvers et du Limbourg, une saignée large de 45 mètres et longue, selon le tracé retenu, de 130 à 170 kilomètres.
Dans la route ainsi aménagée, des gazoducs et des oléoducs seront enfouis à une profondeur d’un mètre environ. Une fois refermées, ces tranchées deviendront en principe invisibles. En pratique, elles seront dépourvues d’arbres dont les racines pourraient abîmer les canalisations et compte tenu d’un effet domino toujours possible entre fluides transportés, elles exigeront en réalité une largeur de sécurité de 250 mètres.
Les tracés mitonnés ont été soumis à enquête publique dès 2021.
Un projet transnational
Initié en 2015, ce projet s’inscrit dans la volonté du gouvernement flamand de multiplier les synergies entre les pôles chimiques d’Anvers, de Rotterdam et de la Ruhr. Une stratégie trilatérale élaborée à cet effet par les gouvernements de Flandre, des Pays-Bas et de Rhénanie-du-Nord-Westphalie prévoit notamment, en son point 18, la planification et la réservation d’espaces pour de nouveaux pipelines.
Les tracés mitonnés dans ce cadre ont été soumis à enquête publique dès 2021. Ils ont déclenché une avalanche de protestations mémorables, notamment en raison des expropriations prévues. Ne sachant trop comment se dépêtrer d’un dossier devenu agaçant, la ministre Zuhal Demir, elle-même originaire du Limbourg, avait mis le dossier au frigo et renvoyé la balle vers l’industrie, réclamant à cette dernière des engagements précis sur l’utilisation des pipelines projetés.
Il revient aujourd’hui, sous la pression d’essencia Vlaanderen et plus encore de Voka Limburg pour qui pareille liaison avec l’Allemagne est essentielle.
Dans ce cadre, les entreprises de la province demandent également que le gouvernement flamand fasse pression sur celui des Pays-Bas afin que soit réactivée le Rhin d’acier, une ancienne liaison ferroviaire dédiée au transport de marchandises entre Anvers et l’Allemagne, désaffectée depuis 1991 et dont la remise en état se trouve bloquée depuis des décennies en raison d’une lecture différente du Traité de séparation de 1839. Ce dernier accorde à la Belgique un droit de passage sur le territoire néerlandais. Mais elle ne peut l’exercer en raison des mesures de protection environnementale très onéreuses que les Pays-Bas cherchent à imposer dans le cadre de cette réactivation et un arbitrage international, intervenu en 2005, n’y a pas changé grand-chose.
Guillaume Capron
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