Ensor enfin réhabilité
Longtemps, les toiles du maître d’Ostende ont déplu. Aujourd’hui, la Flandre ne lésine pas sur les millions pour honorer leur auteur.
Toutes les personnes d’un certain âge connaissent James Sidney Edouard, baron Ensor. Son portrait ornait en effet nos bons vieux billets de 100 francs. Trois quarts de siècle après sa disparition, la Flandre rend hommage au “peintre des masques” en lui dédiant une année entière dont le coup d’envoi vient d’être donné à Ostende.
Logique: hormis trois années d’études à Bruxelles, l’artiste a travaillé et vécu toute sa vie dans la cité balnéaire. Et bien que d’ascendance anglo-saxonne, il a profondément aimé la Flandre. “Je vivais”, écrit-il, “du travail de ma vieille mère, une tante chérie me soutint; les saintes femmes, flamandes pures, m’attachent à la Flandre. Ah! que je l’aime la Flandre, pays des grands taciturnes, des horizons infinis, des peintres puissants, des femmes vaillantes”.
Par contre, il aimait nettement moins les critiques, “ces batraciens encornichonés, pisse-vinaigre suintants, ces emplâtreurs à l’œil louche et autres enfileurs de mouches à fiel” envers lesquels sa créativité langagière était intarissable.
Quelle fut la jeunesse du peintre? Son père, ingénieur polyglotte, de nationalité anglaise, épousa à Ostende Marie Haeghemans. Mais sitôt le petit James venu au monde, l’homme s’embarque pour l’Amérique dans l’espoir d’y faire fortune. N’ayant pas prévu la guerre de Sécession, il revient, penaud, quelques mois plus tard. Le début d’un long calvaire. Par rapport à l’Amérique, Ostende lui paraît si étriqué… Et puis, vendre des coquillages et des souvenirs – une spécialité de la famille Haeghemans – pour un ingénieur, quelle dérision ! Les enfants sont mis au turbin. James et sa sœur colorient à la chaîne les cartes postales et les chromos proposés par leur parents.
Après trois années d’études dans une académie “boîte à myopes”, James Ensor revient à Ostende. Ses œuvres ne séduisent guère ses contemporains auxquels il parvient néanmoins à refiler des productions “alimentaires”. La consécration ne viendra que sur le tard. En 1929, Ensor est naturalisé belge et, dans la foulée, fait baron par Albert Ier. Il est alors âgé de 69 ans et s’éteindra 20 ans plus tard.
La première expo sera également la première consacrée aux natures mortes du peintre, souvent méconnues.
Trois quarts de siècle s’étant écoulé depuis, la Flandre rend hommage à cet artiste inclassable et, ne lésinant pas sur les moyens (4,5 millions d’euros), lui dédie, rien qu’à Ostende, six expositions. La première, intitulée Rose, Rose, Rose à mes yeux s’y tiendra jusqu’à la mi-avril. Ce sera également la première consacrée aux natures mortes du peintre. Souvent méconnues, ces dernières n’en constituent pas moins près d’un tiers de son œuvre peinte. Une trentaine de productions d’Ensor y côtoieront 120 natures mortes pour la plupart inconnues, rarement ou jamais exposées afin d’illustrer le développement de ce genre pictural dans notre pays.
Quatre autres expositions se tiendront entre septembre 2024 et février 2025 à Anvers où le Musée des Beaux-Arts (KSMKA) possède la plus grande collection d’œuvres d’Ensor du monde.
Guillaume Capron
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