Avec La Conquête de la Belgique, Wouter Verschelden signe un nouveau récit politique haletant. Le livre retrace les coulisses parfois fracassantes de la formation du gouvernement fédéral. Il raconte également l’histoire d’un homme, Bart De Wever, qui a pris la tête de la Belgique à contre-cœur, mais qui compte bien l’utiliser au bénéfice de la Flandre. Entretien avec l’auteur.
TRENDS-TENDANCES. Ce livre, c’est le triomphe d’un homme, Bart De Wever, alors même que son parti perd des sièges à la Chambre…
WOUTER VERSCHELDEN. C’est tout à fait ça. Ce qui est fascinant, c’est qu’il parvient à imposer un récit de victoire. Personne ne s’attendait à ce qu’il termine premier dans plusieurs provinces flamandes. Et cette surprise générale – y compris chez lui – a renforcé ce sentiment d’avoir remporté la mise. La chorégraphie de la nuit électorale a été un moment-clé. C’est là que tout s’est joué, alors même que l’Open Vld subissait une véritable déroute et que le Vlaams Belang ne pouvait cacher sa déception.
Cela peut paraître paradoxal, mais à plusieurs reprises, Bart De Wever se voit comme “le sauveur du pays”, notamment face à la jeune génération de présidents de parti.
C’est en tout cas comme ça qu’il se positionne dans la reconstitution des négociations. Ce qui est étonnant, c’est que le Palais marche dans cette stratégie. Mais Bart De Wever n’a pas renoncé à ses ambitions nationalistes. Pour garantir le bien-être des Flamands, il estime qu’il faut parfois “passer par la Belgique”. C’est une stratégie froide et rationnelle. Il occupe la forteresse, comme il dit.
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Face à cette jeune génération, le nationaliste trouve parfois un allié en Maxime Prévot. Ça aussi, c’est étonnant.
Oui, ce duo surprend, mais il est cohérent. Ils partagent un même tempérament, une certaine aversion pour l’impulsivité et la communication sur les réseaux sociaux. Ils ont aussi un passé commun : les négociations à Val Duchesse, en 2010. Cela crée une forme de respect mutuel et une manière d’aborder la politique avec un recul générationnel. De Wever se positionne d’ailleurs de plus en plus comme un héritier du CVP d’antan, un parti de pouvoir avant tout. Un parti auquel le PSC était lié.
Du côté francophone, on est parfois surpris par la relation entre De Wever et Rousseau. Ce qui a peut-être mené Vooruit à peser au-delà de son poids électoral réel, non ?
Oui, c’est un duo quasi filial. Conner Rousseau va même jusqu’à consulter Bart De Wever quand il pense quitter la politique. Ce dernier le pousse à partir. Il est l’un des rares à lui dire les choses franchement. Et inversement, De Wever admire la capacité de Rousseau à dire non, à tenir la barre. L’admiration est mutuelle. Le socialiste rêve même, à terme, de faire de Vooruit une “N-VA de gauche” – c’est lui qui le dit !
Si l’Arizona ne tient pas ses promesses en termes de budget, de pouvoir d’achat ou d’emplois, le communautaire ne risque-t-il pas de ressurgir en fin de législature ? Autrement dit : pensez-vous que cette législature ira jusqu’au bout ?
C’est une bonne question. La N-VA a obtenu certaines garanties sur le plan communautaire, sans grande révolution. Cela leur suffit pour le moment. Et cette coalition a été pensée pour deux législatures, notamment au niveau budgétaire. S’il reste la capacité de réformer, je pense qu’elle peut aller au bout. Avec un vrai premier grand test pour le budget 2026.
Ce n’était pas Gaza ?
Paradoxalement, si l’Arizona s’est écharpée sur Gaza, c’est parce qu’il y avait une confiance au sein de cette coalition. Ils peuvent se permettre d’aller chercher ce genre d’aventures. La cohésion de cette équipe offre cette liberté. Il y a aussi certaines tensions personnelles, mais je trouve que c’est plutôt anecdotique.
À mon sens, le danger vient plutôt du côté francophone. Côté flamand, la N-VA, Vooruit et le cd&v sont au pouvoir ensemble dans les plus grandes communes et au gouvernement flamand. Et ils ont la capacité de se maintenir au pouvoir. Côté francophone, l’alliance entre le MR et Les Engagés est moins naturelle. La lune de miel est terminée. La question est de savoir si le PS reprendra son leadership, ce qui semble être le cas actuellement dans les sondages.