Voici combien pourrait coûter la réforme du chômage aux CPAS

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Au moins 300 millions d’euros par an. L’estimation est de l’économiste Philippe Defeyt, qui rappelle que le gouvernement fédéral a prévu de ne verser que 234 millions d’euros en 2026 et 2027. Un montant susceptible toutefois d’être revu.

La réforme du chômage, visant à durcir les conditions d’accès aux allocations, devrait entraîner un transfert significatif de charges vers les CPAS, les centres publics d’aide sociale des communes. Les chômeurs exclus devraient en effet en toute logique compenser leurs allocations perdues en demandant un revenu d’intégration sociale et les CPAS verront donc leurs charges financières et administratives augmenter.

Une enveloppe initiale de 234 millions

La question est : de combien ? L’économiste Philippe Defeyt a essayé d’y répondre. « Le ministre de l’Emploi, David Clarinval, a annoncé que le gouvernement fédéral a prévu 234 millions d’euros en 2026 et 2027 pour financer le surcoût engendré par la réforme du chômage pour les CPAS, observe Philippe Defeyt. Le ministre a tenu à préciser qu’il s’agissait de « montants de base et que les chiffres définitifs seront supérieurs. A notre connaissance, ajoute l’économiste, il n’y a pas d’autres estimations officielles qui ont été rendues publiques à ce jour. »

Les coûts associés pour les CPAS dépendent d’une équation à plusieurs inconnues. Combien d’exclus frapperont à la porte des CPAS ? Quel sera le montant moyen du RIS par catégorie (isolés, cohabitants, chefs de ménage) ? Quelle répartition entre ces groupes ? Et surtout, quel taux de remboursement l’État fédéral appliquera-t-il ? Le calcul est difficile car les exclus ne se répartiront pas comme les bénéficiaires actuels du RIS, concentrés dans les grandes villes comme Liège ou Charleroi. Cette dispersion géographique complique les estimations. Et les données de 2015, souvent utilisées comme boussole, ne sont pas fiables pour anticiper la vague à venir.

Un trou de 60 millions

Philippe Defeyt rappelle les grandes lignes de la réforme. Celle-ci détermine le montant des revenus d’intégration à charge de chaque CPAS en fonction de plusieurs critères : le nombre d’exclus qui s’adresseront au CPAS, le revenu d’intégration effectif moyen par catégorie (isolé, cohabitant, chef de ménage), la répartition entre ces catégories et du taux de remboursement des revenus d’intégration, taux qui dépend du nombre total de bénéficiaires.

La subvention accordée par l’Etat fédéral aux CPAS s’élève à 55% du montant du revenu d’intégration, mais elle est majorée à 65 % si le CPAS a octroyé un revenu d’intégration mensuel ou a effectué une mise à l’emploi subventionnée à au moins 500 ayants droit, et ce taux est même porté à 70% si le nombre d’ayants droit dépasse le millier. Cela se complique encore si l’on tient compte du fait qu’en fonction de l’afflux de demandes de RIS, un certain nombre de CPAS changeront de catégorie : davantage de centres devraient en effet bénéficiera à l’avenir des taux de subvention majorés de 65 ou 70%.

Alors, cette enveloppe de 234 millions sera-t-elle suffisante ? Non. Philippe Defeyt estime qu’une fois l’impact global de la réforme du chômage sera répercuté sur l’économie, c’est-à-dire en 2027, le coût total pour les finances publiques (fédérales et régionales) serait d’environ 760 millions d’euros, et  « le montant total nécessaire pour compenser à 100% les CPAS – 293 millions – serait supérieur aux 234 millions annoncés ; il manquerait donc une soixantaine de millions ». À cela devrait s’ajouter une trentaine de millions d’euros de frais de fonctionnement supplémentaires pour les CPAS qui devraient étoffer leur personnel pour faire face à l’augmentation des dossiers.

Un montant qui n’est pas très éloigné de l’évaluation faite par Maxime Prévot dans L’Echo, ce week-end. Le vice-premier ministre des Engagés y parlait d’un coût compris “entre 300 et 400 millions d’euros” par an pour les CPAS.

Le fédéral assumera-t-il la totalité de la facture ?

« L’enjeu politique est le suivant, poursuit Philippe Defeyt : est-ce que l’État fédéral, dans le cadre de ses engagements politiques, va vraiment prendre en charge totalement ce coût ? ». Le risque est que cette question soit évacuée car elle n’est pas urgente, à proprement parler : les exclus arriveront par vagues, et les 234 millions prévus suffiront vraisemblablement pour éponger les surcoûts en 2026. Mais cela ne suffira plus en 2027, lorsque la réforme aura atteint toutes les personnes concernées. Bien sûr, comme l’a rappelé David Clarinval, les montants prévus devraient être ajustés. Mais dans le contexte budgétaire de 2027, qui ne sera pas facile, le fédéral compensera-t-il en totalité le surcroît de charge des CPAS ? Le plus simple, ajoute Philippe Defeyt, ne serait-il pas de créer une catégorie de RIS remboursée à 100 % pour les exclus du chômage ? Ce serait simple, efficace et rassurant pour les communes. Mais cela signifierait que l’État fédéral n’aurait aucune possibilité de se défausser partiellement sur les finances communales.

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