Thomas Dermine (PS): “Je ne pense pas que le MR soit d’extrême droite, mais l’extrême droite est au MR”

Thomas Dermine, Adrien Dolimont et Georges-Louis Bouchez. © Belga Image

Le bourgmestre de Charleroi se montre très critique au sujet des “mensonges” libéraux. “Anticipant ses échecs sur la réforme de la gouvernance, du budget ou le renouveau wallon, Bouchez va être tenté de faire diversion sur ces thèmes proches de l’extrême droite”, nous dit-il, dans le cadre du Podcast Trends-Tendances, “Dans le bureau de…”

Le PS cherche une réponse à l’omniprésence médiatique du président du MR, Georges-Louis Bouchez, et à ses propos forts. Le parti de Paul Magnette y a même consacré un bureau de parti lundi 22 septembre pour évoquer la riposte. Il y a notamment été question de continuer à démonter les “mensonges” libéraux.

Thomas Dermine, bourgmestre de Charleroi et vitrine médiatique du PS, évoque cela longuement dans notre podcast, en ligne ce jeudi après-midi, depuis son bureau de l’hôtel de ville. Premièrement, “il faut patiemment déconstruire le récit libéral“, insiste-t-il.

Mais il faut peut-être, aussi, attaquer frontalement un discours susceptible de virer à l’extrême droite. Car “l’extrême droite est au MR” et la tentation sera grande d’accentuer les outrances, selon lui.

“Une mascarade”

Aujourd’hui, il y a une mascarade, entame Thomas Dermine. On nous a fait croire qu’il y avait eu cinquante ans de mauvaise gestion socialiste et qu’on allait voir ce que l’on allait voir. Honnêtement, il n’y a pas un économiste ou une institution publique qui ne dise pas que le budget est catastrophique.”

“Les électeurs ont voté pour un changement, prolonge-t-il. Les libéraux ont réussi à construire un narratif selon lequel le PS n’était pas capable de tenir un budget, mais “on voit bien que ce n’est pas le cas.” Dans l’histoire, il y a trois façons de réduire le ratio de dette sur PIB, argumente-t-il: l’inflation, mais elle est stabilisée au niveau européen, une guerre ou la croissance. “Faire croire que l’on peut diminuer ce ratio en faisant des économies majeures sur le fonctionnement de l’État et au sein de la Sécurité sociale, c’est de la foutaise totale!“.

Quant à la croissance, elle reste famélique. “Personne ne s’interroge jamais sur le fait que les réformes tuent la croissance, insiste le socialiste. Même dans une petite économie ouverte comme la Belgique, elle est surtout portée par la consommation interne. Les classes populaires ont un grand avantage, c’est que leurs revenus, elles le consomment et elles font tourner l’école. Quand vous retirez de l’argent à un pensionné, que vous baissez potentiellement les allocations familiales ou que vous diminuez les primes à la rénovation, vous réduisez la consommation interne.”

Le renouveau du PS passera-t-il par cette capacité à construire un récit alternatif? “L’enjeu consiste avant tout à débunker certains lieux communs. Je connais beaucoup de personnes dans le milieu patronal qui étaient proches des milieux socialistes, mais qui ont voté pour le MR en raison de cette idée véhiculée du PS comme n’était pas un parti de bonne gestion. Il y a sans doute eu des dérapages de communication de notre part. Mais aujourd’hui, ils se rendent compte sur leur erreur.”

Ces patrons, disent-ils, se demandent comment les majorités MR – Engagés vont réellement agir au-delà des slogans tels que “la Wallonie n’est plus un Mister Cash”.

Hors podcast, Thomas Dermine précise. “Le plus important pour nous, c’est de dénoncer ces mensonges. C’est le cas au niveau budgétaire, je l’ai dit, mais aussi sur le pouvoir d’achat ou les statistiques de l’emploi repartent dans le mauvais sens, même si je suis d’accord pour dire que c’est trop tôt pour en tirer toutes les conclusions. Mais il n’y a jamais eu autant de chômeurs en Wallonie.” Or, on a demandé politiquement de diminuer la périodicité de la publication des statistiques du chômage sous cette législature, avance-t-il.

“L’extrême droite est au MR”

Le MR a fait ce qu’il a toujours fait: servir les intérêts de certains, la grande industrie, les propriétaires qui sont capables de s’acheter et pas les gens qui travaillent, les professeurs ou les indépendants. Tout le monde a voté pour avoir 500 euros de revenus en plus, pas pour appauvrir son voisin. Or, c’est ce qui se passe. Honnêtement, je tire mon chapeau au récit collectif du MR qui a vendu le fait que tout le monde irait mieux.”

Le danger, selon lui? “On déclasse une partie de la population et il y a, comme en France, une compétition de l’attention citoyenne sur les réseaux sociaux et dans les médias. C’est une bataille culturelle. Notre enjeu, c’est de voir si l’on parvient à mobiliser les classes populaires sur le fait qu’on leur a menti. Ou on arrive à détourner cette attention par des enjeux qui sont symbolisés par les trois I: Islam, immigration, insécurité. Tout le temps médiatique que l’on focalise sur les incidents à l’université de Liège, la question de savoir si Ahmed Laaouej est un frère musulman ou la violence de la drogue dans les villes.”

Le risque est celui de la “fuite avant sur ces thèmes-là comme aux États-Unis”, insiste-t-il. “Cela pose aussi la question de jusqu’où nos standards démocratiques vont s’affaisser.”

Faut-il être frontal avec Georges-Louis Bouchez comme il le fait sur les réseaux sociaux? “Il y a, avant tout, un débunkage pur et dur à mener sur le budget, les 500 euros ou la gouvernance. Regardez les nominations faites par le MR: il le fait de façon vulgaire, sans jury ou avec ses propres jurys. Jamais Elio Di Rupo ou Paul Magnette n’auraient osé nommer leur belle-sœur ou leur conjoint dans des postes importants. Même chose sur les provinces: il n’y a aucun travail mené sur une simplification administrative. Et le gras, il se trouve davantage dans le Brabant wallon que dans le Hainaut ou Liège.”

Le PS parle-t-il d’une “extrême droitisation” du MR version Bouchez? Il hésite sur la formulation. Puis se lance: “Je ne pense pas que le MR soit d’extrême droite, mais l’extrême droite est au MR. Anticipant ses échecs sur la réforme de la gouvernance, du budget ou le renouveau wallon, Bouchez va être tenté de faire diversion sur ces thèmes proches de l’extrême droite. Tous les comptes les plus dégueulasses de X publient des selfies avec Bouchez. Oui, j’anticipe le fait que devant la réalité des faits, la tentation sera très grande.”

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