Saut d’index, taxe des millionnaires… : ces ballons d’essai qui arrangent bien tout le monde dans l’Arizona

Bart de Wever - Tobias SCHWARZ / AFP
Baptiste Lambert

La confection des budgets à tous les niveaux de pouvoir nous replonge en pleine campagne électorale. Chacun y va de sa proposition sans lendemain. Une manière comme une autre d’envoyer des messages à son électorat. Ce qui n’est toutefois pas sans danger.

Au sein de l’Arizona, personne n’est vraiment d’accord sur l’ampleur de l’effort à fournir. La seule ligne commune qui semble se dégager, à ce stade, c’est qu’un accord pour le 14 octobre, jour du discours de l’état de l’Union de Bart De Wever devant le Parlement et jour de manif’, est difficilement atteignable.

On est parti de 20 milliards, proposition du président du MR. Les Engagés ont ensuite ramené l’effort à 8 milliards. Le cd&v en a remis une couche, à 16,6 milliards d’euros. En fait, tout dépend du nombre d’années sur lequel l’Arizona répartit son effort. Et tout dépend du point final : à quel niveau de déficit il faut atterrir d’ici la fin de la législature. En coulisses, on parle désormais d’un effort de 8 à 10 milliards à trouver pour ce budget.

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Le bal des propositions

Pour atteindre cet objectif, chacun y est allé de sa proposition. Et beaucoup y ont été fort.

  • Vooruit a commencé par relancer une taxe des millionnaires, en dehors de tout accord de gouvernement, alors même que sa taxe sur les plus-values n’est pas encore coulée dans le marbre.

  • Le MR a enchainé, en suggérant que 5 milliards d’euros se trouvaient dans les poches des “faux malades de longue durée”, en se basant sur un échantillon de l’Inami, qui n’était visiblement pas représentatif. Le lendemain, les libéraux ne parlaient déjà plus que d’un 1 milliard d’euros.

  • La N-VA et Bart De Wever, longtemps campés dans le rôle d’arbitres, y a été encore plus fort en balançant un saut d’index sur la place publique. Non pas que ce soit très original – il a lieu tous les 10 ans, environ, depuis les gouvernements Martens-Gol – mais il n’a aucune chance d’aboutir, le MR ayant balayé l’idée un jour plus tôt. Et inutile d’évoquer la position de Vooruit ou des Engagés à ce sujet.

  • Finalement, les partis centristes, se sont montrés les plus raisonnables. Mais l’attrait du cd&v pour la lutte contre la fraude fiscale (sociétés de management) en lieu et place de la fraude sociale énerve ses partenaires de droite. Et penser que la Belgique peut taxer seule les colis chinois, comme le suggèrent Les Engagés, est sans doute quelque peu utopique.

Dans quel but ?

Des propositions sans lendemain dans quel but finalement ? Eh bien, chacun pourra montrer qu’il a mis sur la table une revendication forte qui plait à son électorat ou qu’il a pu en écarter une autre de l’électorat voisin. Vooruit aura dressé les barricades devant l’index, le MR et la N-VA auront empêché une nouvelle taxe sur la fortune. Les moutons sont bien gardés.

Un lancer de ballons d’essais par vraiment discret, détecté, entre autres, par le politologue Pascal Delwit (ULB) : “Bon, l’histoire du saut d’index à l’entrée d’une négociation pour nous vendre ensuite un cran en-dessous, c’est assez éculé. Le jeu des acteurs du gouvernement face à la situation sociale, c’est assez inconvenant.”

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Jouer avec le feu

Car oui, si les partis de l’Arizona se répondent l’un l’autre dans une sorte de chorégraphie orchestrée, il ne faudrait toutefois pas oublier l’effet de ces propositions sur le monde extérieur, et en particulier sur l’électorat de l’opposition.

Les syndicats avaient déjà chauffé l’opposition à balles de guerre avec la réforme des pensions. Elle n’attendait sans doute pas qu’on lui livre sur un plateau un saut d’index, alors que l’inflation se tarit.

C’est idéal, en tout cas, pour rameuter beaucoup de monde à la manifestation de mardi prochain, le 14 octobre, tandis que le Premier ministre sera au perchoir du Parlement.

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