Pas de budget, pas d’accord d’été : ce que ça signifie pour le malus pension, la taxe sur les plus-values et le travail de nuit

Bart De Wever: un peu de lassitude... (Belga)
Baptiste Lambert

La crise de l’Arizona a des conséquences très concrètes sur ses réformes phares. Faute de budget, les 12e provisoires devraient s’appliquer dès le mois de janvier. Les réformes de l’accord d’été ne sont donc ni budgétées, ni votées. Ce qui signifie un report du malus pension ou de la flexibilisation du travail de nuit. Au moins jusqu’au mois d’avril.

C’était l’un des piliers de l’accord estival voulu par Jan Jambon, ministre fédéral des Pensions et des Finances. La réforme des pensions devait instaurer un bonus-malus pour inciter les Belges à travailler plus longtemps. Concrètement, il prévoyait un malus pour ceux qui partent avant 67 ans et un bonus pour chaque année supplémentaire prestée : 2 % d’abord, puis 4 % en 2030 et 5 % à partir de 2035.

Mais faute de budget, la réforme reste bloquée. Et il y a une incertitude sur son entrée en vigueur : faudra-t-il attendre janvier 2027 ? Du côté du cabinet du ministre, on tempère : la plupart des mécanismes ne se serraient appliqués que cette année-là, de toute façon.

Travail de nuit

Autre victime du gel budgétaire : la flexibilisation du marché du travail. Le ministre libéral de l’Emploi, David Clarinval, voulait permettre une plus grande souplesse dans certains secteurs, notamment le commerce et la logistique.

La réforme du travail de nuit prévoyaient d’augmenter le nombre d’heures supplémentaires possibles sans accord syndical et de réduire la plage horaire considérée comme travail de nuit, ramenée de 20 h – 6 h à minuit – 5 h pour les nouveaux travailleurs. La limitation du préavis légal à 52 semaines pour les nouveaux contrats devait également entrer en vigueur au 1er janvier 2026.

Toutes ces dispositions sont suspendues, faute de financement. Elles ne pourront pas s’appliquer avant le vote d’un budget 2026, à minima au printemps. En attendant, les contrats signés début 2026 resteront soumis à l’ancien régime.

Réforme fiscale

La taxation des plus-values mobilières, réclamée par Vooruit en échange de concessions sociales douloureuses (comme la limitation dans le temps des allocations de chômage), est elle aussi renvoyée à plus tard.

Ici pas de grosses perturbations en vue. Car si le texte devait s’appliquer dès le 1er janvier prochain, le ministre des Finances avait toutefois accordé aux banques un délai supplémentaire pour se conformer, jusqu’au 1er avril. Le gouvernement devra en profiter de ce temps pour préciser les dernières modalités : les fiscalistes dénoncent encore de nombreuses zones d’ombre.

Ce qui soulève aussi question, c’est l’application de la réduction de la quotité exemptée d’impôt. La réforme fiscale est suspendue jusqu’à nouvel ordre, remettant en cause la rhétorique arizonienne sur la récompense de l’activité contre l’inactivité.

Malades de longue durée

Le plan Vandenbroucke sur la réinsertion des malades de longue durée est lui aussi paralysé.

Ce texte, conçu pour responsabiliser patients, employeurs, mutuelles et médecins et favoriser un retour progressif à l’emploi, devait permettre environ 2 milliards d’euros d’économies en vitesse de croisière. Il est aujourd’hui remis en attente pour une période indéterminée.

En pratique, cela signifie qu’aucun des nouveaux mécanismes de suivi ou de sanctions ne pourra être mis en œuvre avant l’adoption d’un budget. Les entreprises ne recevront donc pas les incitants prévus pour la réintégration partielle au travail, les mutuelles ne disposeront pas des nouveaux leviers de contrôle, et les médecins ne seront pas davantage contrôler.

Des conséquences financières lourdes

A priori, les douzièmes provisoires, ce n’est pas forcément négatif pour le budget : le système interdit toute nouvelle dépense autre que celles strictement indexées.

Sauf qu’un report des différentes réformes aura des répercussions très concrètes sur les finances publiques. Un report de six mois ou un an de la taxe sur les plus-values aura des effets sur le budget, puisqu’elle devait rapporter 250 millions d’euros en 2026, puis 500 millions en 2027. Et un report prolongé de la réforme des pensions aura des effets dévastateurs sur le long terme : chaque année de perdue est un gouffre pour les finances publiques.

La Libre a évalué la perte potentielle à 1 milliard d’euros, rien que pour l’année prochaine. Autrement dit, l’Arizona vient d’alourdir son fardeau de 10%, de 10 à 11 milliards d’euros.

Enfin, il y a l’objectif central de cette coalition. Si elle survie, pourra-t-elle encore assainir sa trajectoire budgétaire d’ici 2029 ? Là, les conséquences sont beaucoup plus féroces. Rappelons qu’à politique inchangée, on court vers un déficit de plus de 5% du PIB, soit plus de 40 milliards d’euros.

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