Le montant des créances fiscales de l’Etat fédéral atteint 64 milliards

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Mais cela ne veut pas dire que l’Etat percevra cet argent. C’est une des indications que l’on retrouve dans le dernier Cahier de la Cour des Comptes.

La Cour des Comptes vient de publier son nouveau cahier (le 182e) concernant les finances de l’Etat fédéral. Plus précisément, il évalue les comptes de 2024 de diverses entités fédérales du pays.

La Cour souligne les problèmes récurrents en matière de fiabilité et de conformité dans la présentation des comptes généraux de l’administration, des services administratifs à comptabilité autonome (Saca), et des organismes administratifs publics (OAP), tout en se réjouissant des efforts d’amélioration entrepris par certaines administrations. Mais des « dysfonctionnements structurels, notamment des lacunes dans le contrôle interne, des erreurs de valorisation d’actifs et des retards dans l’approbation des comptes « existent toujours. Et elle sont exacerbées par  les difficultés de la Commission de la comptabilité publique à uniformiser le rapportage financier en raison des divergences entre les entités ».

Des montants de créances flattés

Dans ce rapport très fouillé, on pointera notamment l’augmentation l’an dernier de 11 milliards des créances fiscales, c’est à dire de l’argent que l’Etat attend de recevoir des contribuables.

« Les créances fiscales en souffrance (hors réductions de valeur) ont augmenté de 11,2milliards d’euros en 2024 pour atteindre 64 milliards (+21,2 %) »,  souligne la Cour des Comptes. «  Cette augmentation concerne essentiellement le précompte professionnel (+6,1 milliards d’euros), l’impôt des sociétés (+1.99 milliard) et les amendes TVA (+1.9 milliard). »

Mais attention, ce sont des considérations comptables, et ce n’est pas pour cela que le gouvernement aurait résolu son problème budgétaire. Cette hausse a une explication technique : elle peut être influencée par certaines erreurs, mais aussi par le principe adopté par l’administration fiscale qui enregistre comme recettes le montant mentionné sur les « procès-verbaux », avant même une décision judiciaire ou une décision exécutoire. « Il s’agit là de créances constatées, qui n’ont pas encore été recouvrées mais qui ne font pas nécessairement l’objet d’un contentieux, précise Nikola Mirkovic de la Cour des Comptes. Et l’on comptabilise depuis récemment en droit constaté, c’est-à-dire dès que naît la créance. Auparavant celle-ci n’apparaissait qu’au moment du recouvrement. Cela peut expliquer cette augmentation », dit-il.

Cette rège comptable a pour conséquence que l’administration « enregistre le montant d’amende maximal, dans la fourchette prévue par la loi ». La Cour des comptes « note que le mode de comptabilisation actuel suit l’analyse fiscale, mais que cette interprétation ne tient pas suffisamment compte du principe de prudence. »

Car bien sûr, l’Etat perd de nombreuses fois contre des contribuables qui conteste une décision fiscale, ou, tout simplement, le redressement est moins élevé que le montant maximal demandé par le fisc.

Une liste incomplète des locataires

Autre point qui revient récurrent dans les rapports de la Cour des Comptes : la Régie des Bâtiments.

 La Cour des Comptes « relève que la Régie des bâtiments a poursuivi ses efforts visant à améliorer la qualité des états financiers. Cependant, elle constate que d’importantes lacunes persistent en ce qui concerne les cycles des achats et des ventes, ainsi que les comptes d’attente financiers. Par ailleurs, des problèmes de contrôle interne n’ont pas été résolus, en particulier l’absence d’une interface entre le logiciel comptable et l’application de paiement. » Un exemple : la liste des loyers facturés n’est pas exhaustive, « ce qui implique une sous-évaluation des créances ».

Harmonisation difficile

Le rapport formule aussi de nouvelles observations et recommandations spécifiques pour la Régie des bâtiments, mais aussi d’autres entités, tel Fedasil, afin de renforcer la transparence et la rigueur budgétaire et comptable. Il aborde aussi les difficultés de la Commission de la comptabilité publique à uniformiser le rapportage financier en raison des divergences entre les entités.

La mission de la CCP est de rendre des avis et de formuler des modalités d’application technique pour le cadre de référence comptable des pouvoirs publics fédéraux et régionaux. Mais il est difficile de trouver un consensus sur les règles d’évaluation, de comptabilisation et d’imputation. Par exemple, le groupe de travail chargé de préparer un projet d’avis sur les règles de comptabilisation et d’imputation des subventions est entravé par les approches divergentes actuelles. Il est vrai que les textes se chevauchent, entre les principes de droit belges, les normes européennes et les normes internationales. Et cela peut constituer un vrai casse-tête.

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