Le Fonds Monétaire International (FMI) vient de remettre son bulletin à la Belgique


Le Fonds Monétaire International (FMI), dans le cadre de son article IV, évalue régulièrement les économies de ses membres et il vient de remettre le bulletin de la Belgique. En gros, le message est : pas mal, mais peut mieux faire.
Le FMI met en lumière la résilience de la Belgique face aux chocs mondiaux mais pointe des défis pressants : une croissance poussive, l’inflation qui persiste, la dette publique qui croît, et une compétitivité en déclin. A ce sujet, comme par le passé, le FMI lance une pique contre l’indexation automatique des salaires, un mécanisme qui a protégé les ménages lors de la flambée inflationniste mais a creusé les déficits budgétaires, souligne le FMI. A politique inchangée, la dette publique, déjà élevée à 104,1 % du PIB en 2024, devrait atteindre 123 % d’ici 2030, sous l’effet des coûts liés au vieillissement et de la hausse des paiements d’intérêts.
Puisque la Belgique a un nouveau gouvernement, le FMI y voit une opportunité d’engager des réformes structurelles et une consolidation budgétaire.
Une économie résiliente
« L’économie belge, comme nous le savons tous, a fait preuve de beaucoup de résilience ces dernières années depuis le Covid et les nombreux chocs qui ont frappé l’économie depuis lors, observe le chef de mission du FMI pour la Belgique, Jean-François Dauphin. Mais en même temps, elle fait face à des défis importants. À court terme, les politiques doivent maîtriser l’inflation tout en préservant la croissance et la stabilité financière. Sur une perspective plus longue, les politiques doivent reconstituer des marges de manœuvre, réduire les vulnérabilités associées à une dette publique élevée et croissante, tout en répondant aux pressions de dépenses liées au vieillissement, à la transition verte, à la défense, et en favorisant une croissance plus élevée », résume-t-il, ajoutant que « tout cela est d’autant plus difficile que l’environnement extérieur devient lui-même plus compliqué ». Mais tout n’est pas négatif dans cet environnement. « L’effort d’investissement massif possible ou probable en Allemagne aurait des retombées positives sur l’économie belge ».
Agir côté dépense
Alors, que recommande le FMI aux gouvernements des diverses entités du pays ? « Pas de réelle surprise dans ce que nous allons dire, répond Jean-François Dauphin. La Belgique a besoin d’une consolidation budgétaire soutenue et significative. Elle doit ramener durablement le déficit budgétaire en dessous de 3 % du PIB, afin que la dette soit solidement orientée à la baisse. Dans ce contexte, et compte tenu de l’ampleur de l’ajustement nécessaire, nous soutenons l’intention du gouvernement de poursuivre un ajustement sur sept ans dans le cadre de la gouvernance économique. Bien sûr, cela devrait s’accompagner de réformes crédibles et idéalement anticipées pour stimuler la croissance. Lorsque nous traduisons cela en chiffres, selon nos estimations, cela signifie une réduction annuelle du solde primaire structurel – la mesure technique que nous examinons – d’environ 0,6 point de pourcentage du PIB chaque année jusqu’en 2031. C’est donc un effort significatif ». Comment faire ? « Les recettes en Belgique sont déjà assez élevées. Il n’y a donc pas beaucoup de marge pour les augmenter. En même temps, il faut préserver les investissements, car c’est ainsi que nous allons stimuler la croissance. En un sens, cela ne laisse pas beaucoup de leviers pour poursuivre l’ajustement. Et cela en laisse essentiellement deux. Le premier est la rationalisation des dépenses courantes, y compris les prestations sociales et la masse salariale publique. Le second est l’amélioration de l’efficacité des dépenses. Il s’agit de s’assurer, comme nous le disons ici, d’obtenir le meilleur rapport qualité-prix. Donc, en gros, le meilleur retour sur l’argent dépensé, notamment dans les investissements publics en infrastructures, en santé, en éducation ».
Un rapport qualité-prix qui n’est pas des meilleurs
« Nous avons examiné plus récemment l’efficacité des dépenses dans les secteurs de la santé, de l’éducation et des infrastructures, poursuit Jean-François Dauphin. La première chose que je dirais, c’est que, certainement en matière d’éducation et de santé, les résultats générés par les dépenses, en termes d’indicateurs de santé publique et d’éducation, sont plutôt bons dans l’ensemble. Le problème, c’est qu’ils viennent à un coût beaucoup plus élevé. Nous avons donc un certain nombre de suggestions pour augmenter l’efficacité. Et je pense que les gains pourraient être assez significatifs, plusieurs points de pourcentage du PIB, mais bien sûr, ils ne pourraient pas être atteints immédiatement. Ce sont des réformes qui prendraient du temps et devraient être mises en œuvre avec soin ».
Le responsable du FMI a quelques idées : « Concernant la santé, je pense que la Belgique pourrait mettre beaucoup plus l’accent sur les soins préventifs. Je pense que le système est assez bon pour guérir les maladies quand les gens sont déjà malades, mais pas aussi bon pour empêcher les gens de tomber malades, ce qui est, tout d’abord, un problème pour les individus eux-mêmes, mais c’est aussi plus coûteux pour le système. Et cela se traduit également par beaucoup de personnes recevant des indemnités de congé maladie, ce qui pourrait être évité aussi ».
« Nous encouragerions également, poursuit-il, une révision et une réorganisation du système hospitalier, qui, je pense, présente beaucoup de doublons et n’est pas tout à fait adapté à une population vieillissante. Il y a aussi une marge pour promouvoir davantage les médicaments génériques. Concernant l’éducation, nous observons des résultats éducatifs comparables à ceux des pairs à un coût plus élevé, mais ils se détériorent aussi. La masse salariale publique pour l’éducation est nettement plus élevée que chez les pairs. Cela reflète des ratios élèves-enseignants comparativement plus faibles et moins de temps d’enseignement par enseignant. Donc, nous voyons une marge pour améliorer l’efficacité des dépenses et certains résultats, y compris une chose que le système en Belgique ne fait pas bien, à savoir réduire les inégalités liées à l’origine. »
« Il y a aussi beaucoup à faire pour augmenter l’efficacité des dépenses en infrastructures, y compris en veillant à ce qu’il y ait des stratégies claires en matière d’infrastructures qui guident la sélection des projets individuels, tant au niveau national qu’à celui de chaque entité. Il y a beaucoup de travail à faire pour renforcer l’évaluation des projets, la sélection des projets et la gouvernance des projets dans toutes les entités fédérées et au niveau fédéral. Et beaucoup à faire pour améliorer la coordination au sein et entre les différentes entités. Je vais m’arrêter là », conclut Jean-François Dauphin.
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