“Il faut rétablir les comptes si l’on veut préserver le modèle social de la Belgique”
Dans son rapport annuel sur notre pays, le FMI recommande un assainissement significatif et « idéalement sans délai » des finances publiques, « afin de garantir la viabilité du modèle social redistributif et solidaire de la Belgique ».
Réformes des pensions, du marché du travail, des soins de santé, de la fiscalité… les recommandations du FMI pour améliorer la situation économique de la Belgique et de ses finances publiques ne brillent guère par leur originalité. Mais il est vrai que les gouvernements belges font preuve d’une belle constance dans le non-suivi de ces recommandations. Sans inflexion significative, le déficit public filerait jusqu’à 5,5% du PIB en 2028, la dette dépasserait les 115% du PIB et les charges de dette auront gonflé de près de 1% du PIB, estime le FMI. L’organisme international suggère dès lors « un assainissement important, soutenu et, idéalement, sans délai », de l’ordre de 0,6% du PIB l’an prochain et de 0,8% ensuite jusqu’en 2030, afin de compenser les effets mécaniques du vieillissement sur les dépenses de pension et de santé.
Des mesures “opportunes” qui ont aggravé le déficit public
Faudrait-il agir de la sorte jusqu’au moment où la dette serait redescendue jusqu’à 60% du PIB ? « L’essentiel n’est pas le chiffre précis de l’objectif mais la qualité de la trajectoire, répond Jean-François Dauphin, le chef de la délégation du FMI. L’assainissement doit rendre les finances de la Belgique moins vulnérables à de nouveaux chocs. » Il salue la résilience de notre pays à la pandémie et aux impacts de la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine, grâce aux mesures « vigoureuses et opportunes » mises en place par les gouvernements. Mais ces mesures ont aussi aggravé le déficit public et il est désormais urgent, selon le FMI, de rétablir les comptes, de reconstituer des coussins de sécurité si l’on veut « préserver le modèle social de la Belgique ».
Cette urgence ne cadre pas vraiment avec l’année électorale qui se profile et la perspective de longs mois d’affaires courantes. « Une formation de gouvernement qui se prolongerait dans le temps risquerait de retarder l’ajustement et les réformes budgétaires nécessaires, d’accroître les primes de risque et d’aggraver la dynamique de la dette », point le FMI. On espère que les présidents de parti auront pris note de l’avertissement, comme cette demande pressante d’un véritable consolidation budgétaire entre le Fédéral, les Régions et les Communautés, qui imposerait « des limites strictes de dépenses » à chaque entité.
Une plus grande efficacité dans les dépenses
Au vu de la pression fiscale déjà élevée, l’assainissement budgétaire devra être réalisé essentiellement du côté des dépenses, avec des rationalisations, une plus grande « efficacité » ainsi qu’une série de réformes. Le FMI demande en particulier des mesures pour « favoriser un relèvement de l’âge effectif de départ à la retraite », privilégier les soins préventifs, encourager l’utilisation de médicaments génériques et revoir l’organisation des hôpitaux. Il plaide également pour une réforme fiscale et parafiscale qui lèverait des pièges à l’emploi. Cette réforme fiscale pourrait aussi « réduire progressivement ou éliminer les écarts de taux de TVA » et rendre « plus cohérente » l’imposition du capital (les biens immobiliers et les plus-values sont spécifiquement pointées). « La réforme fiscale devrait être au moins budgétairement neutre et, idéalement, réduire le déficit », précise le communiqué du FMI.
En ce qui concerne le marché du travail, le FMI prône une plus grande mobilité interrégionale, une flexibilité accrue (via par exemple les flexi-jobs), des efforts d’insertion des profils moins qualifiés, plus âgés ainsi que de la main d’œuvre d’origine étrangère.
L’indexation automatique des salaires n’est pas mise en cause directement. « Elle a aidé les ménages à absorber le choc inflationniste, estime Jean-François Dauphin. Le problème est cependant plus large. Si l’on devait recommencer d’une page blanche, on ne reprendrait pas tel quel le mécanisme d’indexation automatique. Dans certains secteurs, il y a des pénuries de main d’œuvre ; dans d’autres du chômage massif. Les ressources doivent être réallouées autrement pour le bon fonctionnement du marché du travail. » Il ajoute qu’il ne faut pas comparer uniquement les salaires mais aussi la productivité avec celle des pays voisins. Et là, la Belgique est en recul par rapport aux économies voisines. « La réglementation du secteur de la vente au détail et de la plupart des professions libérales est particulièrement restrictive, note le FMI. Rationaliser la réglementation des activités économiques et l’octroi des licences serait également utile. »
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