Le financement des partis politiques attaqué en justice 

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Quatre mouvements citoyens, deux Flamands et deux francophones, s’en vont devant un tribunal bruxellois contre un système jugé discriminatoire, à plusieurs titres. Ils s’en expliquent à Trends Tendances. 

C’est l’histoire du pot de terre contre le pot de fer. Quatre mouvements citoyens ont déposé cette semaine une assignation devant un tribunal de première instance bruxellois pour s’en prendre à la loi de financement des partis politiques. Les francophones Oxygène et Collectif Citoyen ont rejoint les flamands Vista et Pro dans cette démarche inédite qui vise à bousculer le système. Constat de départ: les barrières pour obtenir une représentation parlementaire ou exister réellement sont quasiment infranchissables. 

“Dans ce recours en justice, on constate que le montant du financement des partis augmente chaque année et devient de plus en plus disproportionné, souligne Jan Wostyn (Vista). C’est déjà une barrière en soi pour des plus petites formations politiques. Mais le deuxième point, le plus important, c’est le caractère discriminatoire de cette loi, à plusieurs titres.” 

Discriminations à trois niveaux 

Il existe des discriminations à trois niveaux, explique Jan Wostyn. “Entre les petits partis en devenir et les grands partis en place, tout d’abord, dans le sens où seuls ces derniers envoient des représentants à la Chambre et obtiennent un financement public. Or, selon moi, nous faisons de la politique aussi, même si nous n’avons personne dans le parlement. Qui plus est, ces moyens accordés soi-disant pour le travail parlementaire sont de plus en plus utilisés différemment, notamment pour des campagnes sur les réseaux sociaux: ce n’est pas cohérent.” 

La deuxième discrimination, poursuit le porte-parole de Vista, se situe entre partis flamands et wallons. “Pour recevoir de l’argent de l’Etat, il faut avoir un représentant au parlement, mais le seuil n’est pas le même en Flandre et en Wallonie. Le seuil officiel est situé à 5%, mais les circonscriptions wallonnes sont plus petites et il faut parfois obtenir plus de 10% pour avoir un élu. Enfin, troisièmement, nous estimons que les rétrocessions faites par des parlementaires à leur parti, comme c’est le cas chez Ecolo ou au PTB, est une autre discrimination à l’égard des citoyens.” 

“L’équivalent de l’arrêt Bosman en foot” 

Cofondateur d’Oxygène, un parti citoyen qui s’est présenté en Wallonie au scrutin de 2019, Walter Feltrin s’associe à ce recours en justice après s’être épuisé dans la tentative de créer une alternative citoyenne, tant les écueils sont nombreux. “J’ai dû constater qu’il n’y avait pas de lumière au bout du chemin, explique-t-il. Le système de participation électorale classique est tellement cadenassé par les grands partis que c’est impossible d’y arriver. Ou alors, il faut être un mécène multimillionnaire et mettre dix millions sur la table, avec des relais médiatiques incroyables. Ce très compliqué pour un parti qui veut se construire sur base d’une démarche démocratique. Pour moi, c’est impossible.” 

Oxygène s’est retiré du jeu électoral et s’est transformé en groupe de réflexion, avec des moyens plus limités. “La démarche de Jan est super-intéressante, prolonge Walter Feltrin. On pourrait rêver que ce soit l’équivalent de l’arrêt Bosman en football: personne ne s’attendait à ce que cela change les règles du jeu en profondeur. Si l’on revoit le financement des partis, on va toucher à un des coeurs du problème. Il y a aujourd’hui un déficit terrible de démocratie et c’est sans doute utopique. Mais cela vaut la peine de se battre.” 

“Je ne sais pas si c’est utopique, interrompt Jan Wostyn. Notre avocat nous donne quand même 60% de chances de succès, même si cela reste bien sûr une estimation. Il y a également des problèmes au niveau même de la définition du parti politique telle qu’elle figure dans la loi: si on ne dépose pas des listes dans toutes les circonscriptions, selon le lettre du texte, vous n’êtes pas un parti.” 

Objectif: forcer une révision de la loi

L’espoir serait qu’une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle force les responsables politiques à revoir la loi.

Palmerio Obili, du Collectif Citoyen, appuie, lui aussi: “Mettre à mal le système actuel dans ses dérives particratiques, cela nous permettrait d’avoir de la visibilité dans les médias. Nous voulons que les citoyens aient leur mot à dire, réellement dans la façon dont la démocratie fonctionne. Bien sûr, nous avons de l’espoir, sinon nous ne nous serions pas aventurés dans cette démarche assez inédite.” 

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