L’amendement qui introduit le data mining pour surveiller vos comptes bancaires fait bien partie du projet de loi-programme de Jan Jambon (N-VA), le ministre des Finances. Cette technique utilise entre autres des algorithmes pour vérifier des anomalies dans vos données. Le MR veut encore y ajouter des garde-fous.
Ce fut un bras de fer sous tension. Le projet de loi-programme 2026, déposé par Jan Jambon (N-VA), introduit l’utilisation du data mining dans le traitement des données bancaires des Belges. L’objectif ? Renforcer la lutte contre la fraude fiscale. Mais la méthode a divisé jusqu’au sein de la majorité Arizona.
Le MR, et en particulier l’ancien secrétaire d’État Mathieu Michel, s’est vigoureusement opposé à la première mouture du texte, jugée trop intrusive. L’Autorité de protection des données (APD) avait d’ailleurs rendu un avis particulièrement critique. L’amendement a été brièvement retiré, provoquant la colère de Vooruit, qui menaçait de retirer son soutien à l’ensemble du projet de loi. Bart De Wever a dû intervenir en personne pour désamorcer la crise. Résultat : le texte a été réintroduit quasi à l’identique quelques heures plus tard.
Du côté libéral, on reste vigilant. Le texte reviendra en commission mardi prochain. “On travaille encore pour obtenir plus de transparence sur la mise en place du data mining“, indique-t-on. L’objectif serait d’ajouter des garde-fous, “en maintenant une présence humaine” dans plusieurs étapes du processus de contrôle. Un amendement au projet de loi reste donc possible, même si le principe du data mining en tant que tel va persister.
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Le data mining : une surveillance automatisée
Le dispositif repose sur l’exploitation du Point de contact central (PCC), une base de données logée à la Banque nationale de Belgique. Initialement créée pour répertorier les comptes bancaires, elle inclut désormais les soldes, les assurances-vie et les comptes à l’étranger. Et bientôt les comptes-titres, vos cryptomonnaies… et même les comptes de jeux en ligne au-delà de 10.000 euros.
Le data mining permet à des agents spécialisés d’analyser de façon massive ces données pseudonymisées à l’aide d’algorithmes. Si un profil de risque est détecté, l’identité du contribuable peut être levée, déclenchant une enquête. Les signaux ? Des “mouvements atypiques” ou une croissance du patrimoine jugée incohérente avec les revenus déclarés, par exemple.
Une mécanique qui inquiète
Pour l’APD, le texte va trop loin. Elle parle d’une “ingérence particulièrement grave dans les droits et libertés des personnes concernées” et remet en cause la nécessité et la proportionnalité du dispositif. L’absence de transparence sur les critères de sélection des dossiers inquiète également les fiscalistes : quels types de mouvements déclenchent une alerte ? Pourquoi tel dossier et pas un autre ? N’y a-t-il pas un risque de confondre simple contribuable et grand fraudeur ?
Trends-Tendances s’est intéressé de près au data mining, dès son évocation au printemps dernier. Dans notre dossier, l’avocat Denis-Emmanuel Philippe (Bloom Law) alerte : “Un contribuable pourrait se retrouver sur le banc des suspects… sans avoir commis aucune fraude”. L’algorithme ne regarde plus ce qu’il soupçonne. Il cherche ce qu’il pourrait soupçonner. C’est la machine qui génère le doute.
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C’est là que le bât blesse. Le contrôle fiscal reposait jusque-là sur une logique réactive : des indices concrets déclenchaient une enquête. Avec le data mining, on inverse le paradigme. C’est la détection algorithmique qui précède le soupçon. Une logique dénoncée par plusieurs parlementaires comme contraire au principe de présomption d’innocence.
Une boîte noire encore floue
Reste à voir jusqu’où ira ce nouveau dispositif et avec quelles modalités. Les données ne seront certes accessibles que par étapes, avec une pseudonymisation initiale, mais une fois le feu vert donné, l’administration pourra exiger les extraits de comptes et consulter les banques.
La bataille politique ne semble dans tous les cas pas terminée, avec ce nouveau dossier qui oppose le MR et Vooruit, avec la N-VA en arbitrage. Comme un air de taxe sur les plus-values…