Une coalition des droites est-elle réellement faisable ?
Au sud du pays, une tendance se confirme de sondage en sondage : les gains du MR et surtout des Engagés. Ce renversement vers le centre droit est observé minutieusement en Flandre, où on se met à croire à une coalition des droites, au fédéral. Mais il faudra, semble-t-il, inviter un autre protagoniste à la table.
Le réveil de la droite wallonne
Le tout dernier sondage réalisé par Cluster17, en partenariat avec RTL-Info, ne contient pas de grosses surprises, mais renforce les tendances. Les Engagés ont clairement le vent en poupe, en Wallonie, à 17,9% (+7,2%), devenant la troisième force politique du sud du pays. Le PS et le MR, à 23,9% et 23%, sont au coude à coude pour décrocher la première place. Ensemble, le MR et les Engagés pèseraient près de 41%. Si on y ajoute DéFI (4%), le centre droit progresse comme jamais en Wallonie.
À Bruxelles, le MR (22,9%) conforte sa première place de sondage en sondage. La majorité paye le prix fort : -5% pour le PS (15%) et -10% pour Ecolo (11,6%), tandis que DéFI n’est plus qu’à 7%. Les Engagés en profitent peu et engrangent 2% (7,8%), le PTB rafle la mise à 19,8% (+7,5%).
Une coalition des droites ?
Au niveau de la traduction en sièges, au fédéral, le MR obtient 17 sièges et les Engagés 10. Le rêve d’une coalition de droites est-il réaliste ? En ajoutant les Engagés à une configuration suédoise, les comptes ne sont pas bons, puisque cette coalition, réunissant deux familles politiques en plus de la N-VA, ne récolterait que 65 sièges sur 150. Dans le précédent sondage du Soir/RTL Info, cette configuration en comptait 67. Un invité surprise doit donc s’ajouter.
Le game-changer
Cet invité est tout désigné, pour les analystes du nord du pays. Il s’agit de Vooruit, dont la présidente a déclaré, pas plus tard qu’hier, que son parti n’était pas scotché au PS. “Nous sommes deux partis distincts”, a-t-elle glissé, bien qu’elle reconnaisse que ce soit “toujours plus facile à deux que tout seul”. Sur le plan du programme, et dans un contexte flamand, il est clair que les socialistes du nord du pays ont bougé leurs lignes vers le centre. Trois exemples : Vooruit n’est pas contre la limitation des allocations de chômage dans le temps, au contraire du PS. Et sous la précédente législature, Franck Vandenbroucke a vu sa volonté de responsabiliser davantage les malades de longue durée être freinée par le PS. Sur le volet de la migration, Vooruit prend également beaucoup moins de pincettes.
Cette déclaration, qui n’est pas le fruit du hasard, est perçue comme un potentiel game-changer, dans cette fin de campagne. Et cette hypothèse est renforcée par la volonté, plus ou moins affichée, d’une entente entre la N-VA et Vooruit, au niveau flamand.
Les libéraux et la N-VA
Finalement, le plus grand frein à cette coalition se situe entre les libéraux et les nationalistes flamands. Bart De Wever fait du PS son interlocuteur privilégié pour réaliser une réforme de l’État. Dans le même temps, la N-VA fait tout pour achever l’Open Vld, en s’en prenant systématiquement à Alexander De Croo. Et le président nationaliste n’a aucun feeling avec le président du MR, Georges-Louis Bouchez.
Mais des mains sont tendues par les libéraux. Hier soir, lors du débat des présidents flamands, Alexander De Croo a même ouvert la porte du Seize, à Bart De Wever, dans le cadre d’une coalition des droites, pour réaliser les réformes socio-économiques qui s’imposent.
Du côté francophone, Georges-Louis Bouchez ne tend plus des mains, mais des bras. Jusqu’à évoquer, lors d’un débat avec Theo Francken (N-VA), la possibilité de régionaliser le marché de l’emploi pour responsabiliser financièrement les Régions. Bart De Wever a “accepté” cette main tendue libérale : “Normalement, jusqu’aux élections, c’est ‘neen’, ‘nooit’, ‘non’, ‘jamais’ comme le crie toujours Paul Magnette. Mais ici, on voit clairement que les choses bougent.”
Le PS en rempart
Signe que cette coalition des droites commence à inquiéter, à gauche, Thomas Dermine (PS) a mis en garde les francophones, dans une interview de ce jour sur 7sur7 : “Monsieur Bouchez tombe tout droit dans le piège que la N-VA est en train de lui tendre. Le détricotage du pays est en train de se passer sous nos yeux.”
Avant lui, Paul Magnette avait ressorti le couplet du PS, sauveur de la Belgique, face aux velléités nationalistes. À voir si cette ritournelle peut freiner le ralentissement des socialistes dans les intentions de vote. Le bourgmestre de Charleroi oublie, mais on est en campagne, que c’est son parti qui est allé le plus loin dans les négociations avec la N-VA, en 2020. Il reste à voir si l’électeur s’en souvient.
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