La machine à gaz belge
Nous essayons de compenser un coût du travail élevé par de généreuses subventions aux entreprises. Pas toujours efficace, comme le montre l’exemple de Balta.
Directeur des Etudes économiques à l’IESEG School of Management, Eric Dor vient de publier une étude intéressante. Il a considéré les subventions et les aides à la production que reçoivent les entreprises européennes, a retiré de ce montant les impôts sur la production (ce sont les impôts qui ne sont pas liés au bénéfice, comme les impôts fonciers). Et il a obtenu le montant net des aides et subventions, qu’il a rapporté à la valeur ajoutée. “L’idée, explique-t-il était de donner une image des flux payés ou reçus entre les entreprises et les administrations publiques, indépendamment des bénéfices réalisés.”
Généreuse Belgique
Surprise: la Belgique est le pays européen le plus généreux en matière de subventions et d’aides à l’investissement net. Elles représentent chez nous 6,96% de la valeur ajoutée. C’est davantage que nos voisins: l’Allemagne est à 5%, les Pays-Bas à 4,2%, le grand-duché de Luxembourg à 2,5% et la France à 1,3%. Parmi les subventions belges, il y a notamment les titres-services, les réductions de cotisations sociales, les aides à la recherche et à l’investissement…
“Je suis tombé incidemment sur cette générosité belge, explique Eric Dor, et cela m’a rappelé un article de la Banque nationale qui avait déjà observé que nos subventions dépassent largement ce qui est pratiqué chez nos voisins.” Dans une étude qui date de 2021, la Banque nationale (BNB) avait en effet remarqué que les dépenses publiques étaient de 4,5 points de pourcentage plus élevées que chez nos trois grands voisins. “Ces écarts proviennent principalement des rémunérations et des subventions aux entreprises. En particulier, les subventions salariales sont élevées en Belgique”, note la BNB.
Nous avons donc un système complexe qui compense le coût du travail trop élevé afin de garder chez nous certains secteurs (comme la pharmacie) prompts à se délocaliser. Mais ce système n’est pas le plus efficace, remarquait déjà la BNB voici deux ans: “Dans le cas des subventions salariales, il est recommandé de réformer la charge fiscale élevée et complexe qui pèse sur le travail plutôt que de la corriger par des subventions”, disait-elle.
Le cas Balta
Le fabricant de tapis flandrien Balta, repris voici quelques années par le groupe Victoria, vient de confirmer ce constat. L’entreprise a tenu un conseil d’entreprise au cours duquel il a annoncé qu’il allait délocaliser au Royaume-Uni son unité de fabrication de moquette. Avec comme conséquence la perte de 300 emplois en Belgique. Interrogé par De Standaard, Philippe Hamers, le CEO de Victoria, explique que Balta a été “dépassé par la réalité économique”: demande en baisse, coûts du travail et de l’énergie en hausse et “dans notre usine au Royaume-Uni, nous produisons jusqu’à 30% moins cher qu’en Belgique”. Et le patron de Victoria d’ajouter: “Je préfère le modèle anglo-saxon du marché du travail flexible. Là- bas, on licencie ou on recrute en fonction de la demande. Ici, vous n’avez pas cette flexibilité et vous travaillez avec le système subventionné du chômage temporaire”. Aux subventions, Balta a préféré la simplicité.
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