Factures impayés : le 1er rappel est désormais gratuit

© Getty Images
Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

La réforme de la législation sur les factures impayées entre en vigueur ce vendredi 1er septembre. Elle entend répondre à certains abus de la part des créanciers.

Le ministre de l’Economie Pierre-Yves Dermagne (PS) le dit sans détour dans l’exposé des motifs de sa réforme : le consommateur se trouve dans une position d’infériorité face à l’entreprise qui propose des biens et services. « Le droit rééquilibre la relation B2C (business to consumer) et reconnaît au consommateur des droits qui tempèrent les principes de la liberté contractuelle et de la force obligatoire du contrat », explique-t-il.

Cette liberté contractuelle est désormais un peu plus corsetée. Première modification : la première lettre de rappel en cas de retard de paiement ne peut plus être payante. Le débiteur dispose d’un délai de quatorze jours après l’envoi de la lettre pour honorer sa dette. Durant ces quatorze jours, aucun frais ou indemnité ne peut lui être réclamé. L’idée est d’éviter qu’un oubli, une absence du domicile ou une négligence n’entraîne automatiquement des frais conséquents. Cette latitude n’est valable que pour trois échéances par an : au bout de la quatrième facture en retard chez le même fournisseur, celui-ci pourra assortir son rappel d’une pénalité de 7,50 euros (en plus des frais postaux).

Si la facture n’a pas été payée durant ce délais, le créancier pourra alors réclamer des indemnités. « Lorsqu’un consommateur accuse du retard pour le paiement d’une dette, il n’est pas contesté qu’il en résulte un dommage pour l’entreprise créancière et que ce dommage doit être indemnisé », assure le ministre de l’Economie. Il a toutefois jugé nécessaire de « plafonner » ces indemnités : 20 euros pour une facture de moins de 150 euros, 30 euros (+10% du montant dû) jusqu’à 500 euros, 65 euros (+5% du montant dû) au-delà de 500 euros. Ces plafonds visent à éviter certains abus constatés dans le montant des indemnités réclamées.

 « Mettre de telles limites, ça peut avoir du sens, car il y avait parfois des abus, convient Olivier Vandenabeele, conseiller Economie à l’UCM. Mais ici, le législateur s’immisce de manière assez ferme dans les relations entre l’entreprise et le consommateur. Nous avons un peu l’impression qu’on met tout le monde dans le même sac, qu’on cadenasse ces relations pour quelques abus. » L’organisation patronale regrette notamment la charge administrative générée par le système : pour ouvrir le droit aux indemnités, il sera impératif d’avoir envoyé ce premier courrier gratuit. « Dans le monde des indépendants et des PME, les retards se règlent souvent par un SMS ou un appel téléphonique, poursuit le conseiller. Ce côté humain, informel se transforme en une obligation formelle avec ce courrier gratuit. » Certes, le créancier peut toujours tenter le SMS mais au risque de retarder toute la procédure de recouvrement, au cas où le débiteur ne paie pas « spontanément ».

Olivier Vandenabeele craint par ailleurs que le montant très bas des pénalités ne décourage les PME d’initier la procédure « Dans une grande entreprise, où les procédures sont automatisées, c’est peut-être réaliste mais pour une PME ou une profession libérale, je suis moins sûr, dit-il. Un recommandé, c’est déjà 8,5 euros Si en plus vous passez par un tiers pour le recouvrement… »  Tout dépend de l’objectif attendu avec ces pénalités : doivent-elles être dissuasives, punitives ou simplement compensatoires ? « La clause indemnitaire doit être de nature compensatoire, estime Pierre-Yves Dermagne, toujours dans son exposé des motifs. Elle ne peut avoir pour objectif de sanctionner le consommateur pour le retard de paiement. »

Mieux prévenir les faillites

Une autre réforme juridique concernant la vie des entreprises entre en vigueur ce 1er septembre : la législation sur l’insolvabilité des entreprises. Il s’agit dans ce cas de la transposition d’une directive européenne dans le droit belge. L’idée de cette réforme, initiée par le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD), est de renforcer le volet préventif, afin d’augmenter les chances d’une continuité au moins partielle des activités quand une entreprise traverse des difficultés financières.

« La loi distingue clairement maintenant les procédures de réorganisation, qui visent à sauver l’entité juridique, et les procédures de liquidation, qui terminent l’entité juridique, ce qui n’empêche pas d’essayer de sauver un maximum d’activités, commente Bart De Moor, avocat associé au sein du département « Restructuration et insolvabilité » du cabinet Strelia. Nous avons maintenant trois piliers d’intervention : les mesures provisoires en amont, la réorganisation et la liquidation. Et au sein de cette structure, il y a une variété de procédures. » Ce sera au conseil d’administration de l’entreprise en difficulté de choisir la procédure la plus adaptée à sa situation, en négociant avec tous les créanciers ou seulement quelques-uns, en envisageant d’emblée une cession, etc.

L’une des innovations est la possibilité d’initier une procédure confidentielle, avec un ou plusieurs créanciers. « Quand une entreprise, déjà en difficulté, doit annoncer qu’elle ouvre une procédure de réorganisation, cela fait très peur aux clients et cela peut aggraver la situation », poursuit Me De Moor. Il en sait quelque chose puisqu’il officiait lors du concordat judiciaire de la Sabena et que la compagnie n’a quasiment plus vendu de billets une fois que la procédure a été rendue publique. « Si on veut sauver une entreprise, il faut absolument qu’elle puisse conserver ses clients », résume Bart De Moor. Il convient cependant que, plus il y a de créanciers, plus il y aura de fuites et que la discrétion n’est donc pas toujours possible, en tout cas dans la durée.

La législation qui entre en vigueur ce 1er septembre permet aussi de préparer un transfert d’activités avant la faillite. Le tribunal peut alors mandater « un curateur potentiel » qui examinera, en amont, les éventuelles possibilités de reprise. A nouveau, cela permet de travailler dans une plus grande discrétion. Ce curateur potentiel dispose alors de trente jours pour trouver un candidat, un délai très court, surtout quand les démarches veulent rester très discrètes. « Globalement, toutes ces nouvelles dispositions vont dans le bon sens, conclut Bart De Moor. Proposer un large éventail de solutions possibles, c’est très bien. Mais cela rend ces procédures de plus en plus complexes, même pour les praticiens. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content