Du “bonjour” en français dans un train flamand à une majorité bruxelloise introuvable: le surréalisme belge n’est pas mort
Non, les Français ne nous dépassent pas encore en matière de surréalisme: deux histoires linguistiques dans et autour de la capitale témoignent de notre puissance en la matière. La cohabitation entre nos deux communautés reste difficile à gérer.
Certains s’inquiètent, avec un clin d’oeil: au vu du blocage politique persistant en France et au regard des gaffes du nouveau Premier ministre, François Bayrou, le surréalisme serait en train de changer de camp. Qu’il se rassurent; nos histoires linguistiques restent des maîtres du genre et elles continuent à défrayer la chronique.
Peut-être en parlerez-vous lors des fêtes de fin d’année? D’un accompagnateur de train sujet d’une plainte aux raisons du blocage bruxellois, il y a de quoi débattre…
“Goeiemorgen Bonjour”
La première histoire serait anecdotique dans n’importe quel pays, sauf en Belgique. Ilyass Alba, contrôleur à la SNCB, s’est exprimé, dépité, sur les réseaux sociaux: “Un voyageur a porté plainte et saisi la commission concernant les usages des langues, car je suis entré dans un compartiment de voyageurs en disant ‘Goeiemorgen-Bonjour’ juste avant d’arriver à Vilvorde et, selon lui, je devais simplement dire “Goeiemorgen”.
La plainte déposée devant la Commission permanente de contrôle linguistique, en l’objet, serait fondée. “Selon les règles linguistiques en vigueur, il aurait dû s’exprimer uniquement en néerlandais lors d’une telle annonce“, déclare ainsi le porte-parole de la SNCB, Dimitri Temmerman, à Het Laatste Nieuws.
Le sujet fait même l’objet d’une polémique politique. Georges Gilkinet (Ecolo), ministre en affaires courantes de la Mobilité, a évoqué la possibilité d’assouplir la loi. Sammy Mahdi, président du CD&V, s’indigne: “Toute ma sympathie pour cet accompagnateur de train qui avait certainement de bonnes intentions mais, en tant que pouvoir public, on ne peut pas jeter comme ça par dessus bord notre législation linguistique”.
“La plainte qui a été déposée contre le contrôleur de la SNCB découle principalement d’une application excessive du principe de territorialité, chère à certains courants politiques, comme la N-VA, qui défendent depuis toujours l’idée d’une Flandre unilingue flamande“, s’indigne Sophie Rohonyi, présidente de DéFI, à La Libre. “Que le CD&V partage cette vision est assez inquiétant.
Nous en sommes là…
Cachez cette N-VA…
A deux pas de là, en Région bruxelloise, le gouvernement reste introuvable. Le PS s’est retiré des négociations entre partis francophones avec le MR et les Engagés parce que les partis flamands négocient avec la N-VA. Rappel utile: dans la capitale, une double majorité est nécessaire pour gouverner en vertu de notre système institutionnel.
Deux autres partis francophones seraient nécessaires pour suppler le PS: Ecolo et DéFi. Les écologistes ont refusé lors d’une assemblée générale, cette semaine DéFi, prêt à prendre ses responsabilités, s’insurge tant la situation budgétaire est dramatique.
Le PS se justifie, ce qui donne ce genre de conversations surréalistes. Jérémie Tojerow, élu socialiste ucclois et expert institutionnel: “On peut le tourner comme on veut mais c’est un vrai tournant : 2 partis bruxellois francophones préfèrent faire le forcing pour gouverner la région bruxelloise avec la N-VA (9ème parti, 2 élus, 9500 voix, opposé au fait régional bruxellois, indépendantiste) plutôt que avec le PS (2ème parti, 16 sièges, 86 000 voix, défenseur historique de la région) et le CD&V, qui a voté la création de la région, le renforcement de ses compétences et de son financement.”
Réplique d’un internaute, qui rappelle l’obligation d’avoir une double majorité: “Personne n’a demandé à Elke (Van den Brandt, formatrice flamande Groen – Ndlr) d’amener la N-VA dans la majorité flamande. Que je sache, le PS a validé ce schéma de gouvernance pour Bxl, non?” Réponse de l’élu PS: “Cette obligation peut être rencontrée autrement que avec la N-VA. On parle in fine de la formation d’un seul gouvernement régional, y en a pas 2 hein. Le ministre de la mobilité l’est pour tous les bruxellois, comme celui du budget, logement etc.”
En attendant, il n’y a toujours pas de gouvernement bruxellois.
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