Bouchez – Magnette: une rupture mise en scène
Les présidents du MR et du PS se critiquent vertement et affirment vouloir gouverner l’un sans l’autre. Mais la réalité est plus compliquée dans un pays où grimpent les extrêmes.
C’est de bonne guerre entre les présidents libéraux et socialistes: on se toise, on gonfle les muscles, on argumente à l’opposé l’un de l’autre et on fait mine de se détester violemment. Mais en coulisses, on est tout de même contraint de s’entendre pour nouer des accords de majorité.
Jeudi soir, à la RTBF, Georges-Louis Bouchez et Paul Magnette ont à nouveau joué cette séquence laissant augurer d’une fracture après les élections du 9 juin 2024.
Une redite du scénario de 2014, quand le PS avait jeté le MR dans l’opposition francophone, avant que Charles Michel ne devienne Premier ministre avec la N-VA, est-elle possible? Encore faudrait que ce soit possible mathématiquement au vu de la montée des extrêmes, PTB et Vlaams Belang.
En outre, comme le rappelait un ténor de la N-VA à Trends Tendances cette semaine, le scénario privilégié par les nationalistes flamands n’est autre qu’un grand accord avec le PS pour “apaiser le pays”.
Gouverner sans toi
A l’issue de séquences où Bouchez et Magnette ont tous les deux affiché leurs désaccords sur de nombreux sujets (fiscalité, budget, sécurité, migration…), les deux présidents ont conclu par une forme de rupture.
Paul Magnette entame la séparation: “Tout ce que j’ai entendu ce soir me donne encore davantage l’envie, si c’est possible, de faire un gouvernement sans le MR”. Réplique de Bouchez: “Eh bien, pour une fois, je suis d’accord. Si on peut avoir le gouvernement le plus de centre-droit possible, ce sera mon premier choix. Je pense qu’il est plus sain d’avoir des gouvernements qui sont plus homogènes sur le plan philosophique, pour justement éviter les blocages.”
Ce n’est pas sans nous rappeler un débat organisé avant les élections de 2014 quand Charles Michel et Paul Magnette (déjà lui…) n’avaient pu cacher leur exaspération, avant de plaider, là encore, pour des majorités cohérentes. Le socialiste avait surpris tout le monde en nouant un accord rapidement avec le CDH et Ecolo, le libéral répliquant en montant la “suédoise” au fédéral.
Comment imaginer PS – N-VA?
Cette fois donc la N-VA affirme en coulisses vouloir un grand accord avec le PS, laissant entendre que cela incluerait une réforme de l’Etat qui serait mathématiquement impossible. De même, le PS annonce vouloir faire sans le MR, privilégiant les Engagés, mais ce serait là aussi impossible en l’état sur le plan arithmétique.
On se positionne, donc… On bluffe.
Dans le discours du PS, on se demande toutefois quelle place serait laissée à ce grand accord avec le N-VA, tant les opinions sont éloignées. Paul Magnette a fustigé le bilan du gouvernement MR – N-VA en matière de sécurité ou celui de l’ancien secrétaire d’Etat Theo Francken sur le plan migratoire. Il a vanté les vertus des dépenses publiques, alors que la N-VA promet une cure d’austérité, et dénoncé le soutien aux grandes entreprises.
La rupture était mise en scène, le débat a illustré combien le puzzle promet d’être épineux après les prochaines élections. Les ennemis du jour devront, plus que vraisemblablement, s’entendre encore.
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