Malgré les grandes déclarations, la Belgique n’adhère pas (encore) au nouvel objectif de l’OTAN sur les dépenses militaires. Le gouvernement De Wever n’a pas trouvé d’accord sur la barre des 5% du PIB, qui sera entérinée ce mercredi à La Haye. Le gouvernement avisera après le Sommet, entend-on.
Réuni en kern, l’Arizona n’est pas parvenue à s’aligner sur les nouvelles ambitions de l’OTAN en matière de dépenses militaires. Alors que les Alliés devraient décider ce mercredi à La Haye d’un objectif commun de 5% du PIB d’ici 2035 – dont 3,5% pour la Défense et 1,5% pour la résilience nationale (infrastructures, cybersécurité, etc.) –, la Belgique s’en tient à la trajectoire précédente : 2% du PIB jusqu’en 2033, puis 2,5% en 2034, comme mentionné dans le plan « Vision stratégique », validé ce mardi.
Un effort budgétaire déjà “colossal”
Ce différentiel d’ambition crispe au sein de la majorité. Initialement, la Belgique visait les 2% en 2029. Mais l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche et les tensions géopolitiques récentes ont incité le gouvernement à anticiper l’effort dès 2025. Une décision budgétaire lourde : 3,7 milliards d’euros supplémentaires seront consacrés cette année à la Défense, sur un total de 12 milliards, dans un contexte déjà tendu pour les finances publiques.
Face à l’objectif bien plus exigeant de l’OTAN, plusieurs partenaires de l’Arizona ont tiré la sonnette d’alarme, ces derniers jours. Tant au MR, qu’au CD&V ou chez Vooruit, le cap des 5% est jugé « irréaliste et intenable », compte tenu de la capacité industrielle, des contraintes de recrutement dans les armées et de la situation budgétaire nationale.
De Wever part sans consensus
La réunion du comité ministériel restreint s’est achevée vers 15h30, peu avant le départ du Premier ministre Bart De Wever pour le sommet de La Haye. Si elle débouche sur une déclaration d’intention, elle reste en deçà des attentes de certains. Vincent Van Peteghem (CD&V), ministre du Budget, a insisté sur le caractère « crédible et réaliste » de l’accord belge, tout en soulignant l’importance de la coordination européenne.
Le ministre de la Défense, Theo Francken, s’est néanmoins félicité du résultat, évoquant un engagement de 34 milliards d’euros dans son plan stratégique, mais sur une période de 10 ans. Il a échoué à faire inclure l’achat de F-35 supplémentaires, une absence qu’il a relativisée : « Ce n’est qu’un milliard sur 34. »
Le blocage sur les avions de chasse semble suspendu à une contrepartie politique : Vooruit conditionne son feu vert à des avancées sur la taxation des plus-values financières. Pour Frank Vandenbroucke, vice-Premier Vooruit, il serait irresponsable de valider une dépense militaire massive sans s’assurer que « les épaules les plus larges » de la population participent équitablement à l’effort national.
“Belgium is back”… ou pas encore
Sur X, Theo Francken affiche son volontarisme : « Belgium is back », clamait-il, avant la réunion. Selon lui, la Belgique n’est plus le mauvais élève de l’OTAN, et les investissements consentis devraient restaurer notre crédibilité.
Sa déclaration semble toutefois prématurée. L’Arizona s’accorde sur une trajectoire défensive à mi-chemin des attentes, tout en repoussant les arbitrages les plus lourds. L’absence de consensus sur les 5% montre les différences de point de vue entre les 5 partenaires de l’Arizona. Sans oublier qu’il reste à financer les 3,7 milliards d’euros pour cette année.
“FANTASTIQUE !” Le nouveau message du ministre de la Défense sur la liste des nouveaux investissements, juste après la réunion du kern, n’y change rien. Le flou persiste.
“Venir ici sans les 2% et sans vision stratégique aurait été peu crédible“, a estimé Bart De Wever, à son arrivée au Sommet de l’Otan. Sur la norme des 5%, il ne s’opposera pas à la décision des Alliés, mais souligne que son gouvernement dispose encore de temps. Une évaluation intermédiaire est en effet prévue pour 2029. “À ce moment-là, on devra clarifier pour savoir comment avancer vers l’objectif (de 5%)”, a-t-il ajouté auprès de l’agence Belga.
Le contexte géopolitique aura peut-être lui aussi changé d’ici là.
Le détail du programme d’investissement (via Belga)
L’accord de principe sur la Vision stratégique 2026-2034 pour la Défense, dégagé mardi par le “kern”, consiste en un programme d’investissement d’un montant total de 34,2 milliards d’euros, dont 27 milliards pour de nouveaux investissements, a détaillé en fin de journée le ministre de la Défense Theo Francken.
– Ce plan se concentrera sur trois axes principaux : la contribution à la dissuasion militaire collective au sein de l’Otan, la protection du territoire contre des frappes aériennes et la guerre hybride, ainsi que l’adaptation des unités à la “révolution technologique” qui s’opère sur le champ de bataille en Ukraine.
– Le premier point d’attention concerne le personnel, selon le ministre. Au total, et si l’on tient compte des pensions, 50 milliards d’euros lui seront consacrés au cours des neuf prochaines années. Sept milliards d’euros serviront au développement d’infrastructures plus modernes. Une attention sera également portée aux conditions de travail et de bien-être.
– L’accord vise à atteindre un effectif de 34.500 militaires et 8.500 civils, ainsi que 12.800 réservistes, par le biais du service militaire volontaire notamment. À court terme, la vision stratégique planifie un renforcement considérable de la préparation des forces armées. Un total d’environ 40 milliards est dès lors prévu à cette fin sur l’ensemble de la période.
– En termes d’équipements, le plan prévoit une nouvelle défense aérienne multicouche, incluant dix NASAMS, 20 Skyrangers et trois systèmes antibalistiques et longue distance. La Défense va également acquérir une troisième frégate, 1.500 véhicules de combat, dont des Servals, des Griffons et des Jaguars, 2.100 véhicules logistiques, deux grands drones de reconnaissance armés, quatre hélicoptères de recherche et de sauvetage, ainsi que 11 hélicoptères de transport.
– Dès cette année, des achats de munitions destinés aux systèmes d’armement actuels ainsi qu’au stock de munitions stratégiques seront aussi réalisés.
– Le budget dédié à la “recherche et l’innovation” sera de son côté porté à 3 % du budget total de Défense. Enfin, un centre médical sera établi sur le site de Neder-Over-Heembeek.