Bart De Wever prolongé par le Roi jusqu’au 17 octobre: procrastination et particratie coupables

Le roi Philippe attend Bart De Wever pour un nouveau rapport, lundi 19 août. BELGA PHOTO NICOLAS MAETERLINCK
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le formateur N-VA  a fait un rapport au Palais pour poursuivre sa tâche. Un gouvernement fédéral n’est attendu qu’après les élections communales, voire… à Noël?  La situation du pays exige l’intérêt général, le scrutin local la primauté des partis.

Bart De Wever s”est rendu au Palais pour faire rapport au roi Philippe, ce lundi. Sa mission est prolongée, comme attendu, il fera un nouveau rapport le 17 octobre, quatre jours après les élections communales Le président de la N-VA prolonge son travail dans une discrétion retrouvée et à un train qui semble celui d’un sénateur.

Mais les énergies des négociateurs sont, partiellement, orientées vers une autre priorité. Bart De Wever à Anvers, Georges-Louis Bouchez à Mons – transformée en bataille rangée avec le PS – ou Maxime Prévot au coeur de sa Namur adorée cherchent à confirmer leur succès de juin lors des élections communales. Cela demande du temps, de la présence de terrain et des expressions médiatiques fortes.

Cette prolongation laisse la possibilité, aussi, de recoudre dans l’ombre la déclaration gouvernementale, avec les derniers arbitrages susceptibles d’être réalisés après le 13 octobre. Le contexte budgétaire dantesque rend sa rédaction complexe. Il s’agit aussi de ne pas froisser les électeurs avant de se rendre aux urnes. Du sang et des larmes, cela ne fait pas une victoire électorale.

En attendant, les défis demeurent et s’aggravent.

La primauté des partis

Après la crisette au sein de la future Arizona au sujet de la taxation des plus-values (et de la taxation au sens large), le ton est retombé d’un cran. Pour restaurer la confiance, mais aussi pour mener d’autres croisades comme celle concernant l’arrivée sur la liste Mons en mieux de l’ancienne personnalité médiatique Julie Taton ou la désignation d’Hadja Lahbib comme commissaire européenne au nez et à la barbe de Didier Reynders. On voit où se trouvent les priorités…

Les partis ont organisé leur congrès avant les élections communales. Leurs présidents et candidats bourgmestres (qui sont souvent les deux) s’expriment sur ces enjeux-là avant tout. La situation budgétaire préoccupante et le besoin de réformes attendront bien l’automne ou l’hiver. Theo Francken (N-VA) évoque un gouvernement pour… Noël et la demande a déjà été faite à l’Europe de reporter la copie à la fin de l’année. Est-ce bien sérieux? Ou est-ce une façon de travailler en paix?

Les partis décident et le Roi prend acte? Politiquement couvert, Philippe peut évidemment mettre la pression, mais ce n’est pas lui qui mène la négociation. De façon générale, la Belgique est devenu une particratie où les formations politiques tirent toutes les ficelles, elles qui sont les seules présentes à tous les niveaux de pouvoir. Et l’intérêt général intervient.. quand il ne menace pas l’intérêt partisan.

Le centre de gravité du pays s’est déplacé, aussi. L’accord wallon et francophone a été ultra-rapide. En ce début de semaine, les négociateurs flamands ont conclu un accord sur un cadre budgétaire. La stabilité se jouera dans les entités fédérées.

“Nous nous trompons de débat”

Nous nous trompons de débats médiatiques, écrivait ce week-end, dans un post sur LinkedIn, l’économiste Bruno Colmant. La Belgique se nourrit de son tropisme médiatique, et la presse ramène trop souvent les sujets d’intérêt à des détails sans importance… et inversement. Nous ne regardons pas vers le haut, c’est-à-dire au niveau européen, peut-être parce que le lien entre nos votes et les décisions européennes relève d’une démocratie soupçonnée d’être dominée par une oligarchie technocratique. Mais c’est une grave erreur. La Commission européenne qui vient d’être installée consacre le pouvoir d’Ursula von der Leyen. Certains commissariats, dont celui représenté par la Belgique, découlent de réflexions politiques internes au Royaume. Et cela, c’est pitoyable.”

Dénonçant l’abandon en rase campagne de l’enjeu climatique, l’académicien, qui vient de publier une version revisitée son livre Une brûlante inquiétude (éd. Mardaga), met en garde contre une dérive droitière et populiste perceptible dans plusieurs pays, la France et l’Allemagne en tête. “L’Europe est donc au centre de multiples décisions essentielles, avec une verticalisation centripète du pouvoir qui émane d’Ursula von der Leyen, alors que des forces centrifuges s’expriment, du Visegrad, mais aussi peut-être bientôt d’Allemagne, prolonge-t-il. Car il faut le reconnaître : l’humeur politique de l’Europe a changé, avec de multiples et parfois dangereux virages à droite, venant des anciennes puissances européennes de l’Axe, en référence aux années quarante puisqu’elles sont de plus en plus nombreuses.”

Or, précise-t-il dans une autre chronique, le risque est bel et bien celui d’un marasme économique digne des années 1930, reprenant la mise en garde faite par Christine Lagarde (BCE). “Le vrai risque, que Christine Lagarde évoque peut-être, c’est une nouvelle grande dépression similaire à celle des années trente. Et là, elle a un rôle crucial à jouer: préparer l’Europe à l’inconnu en adoptant une politique monétaire expansionniste.”

Bart De Wever recevra davantage de temps du palais, mais la question est: a-t-on vraiment le temps? Et aussi: est-ce vraiment à ce niveau-là que les réponses doivent être apportées aux défis de notre temps?

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