Au Parlement, tout le monde parle, plus personne ne s’écoute…

Peter De Roover, président de la Chambre BELGA PHOTO HATIM KAGHAT
Baptiste Lambert

Après deux séances houleuses, les députés de la majorité ont fini par voter le budget 2025. Ce qui frappe, c’est qu’il a été très peu question de fond. Une série d’incidents et d’invectives ont complètement pollué les débats. C’est assez révélateur de ce que devient le Parlement.

D’un côté, on pourrait se réjouir que la Chambre des représentants redevienne un lieu de l’attention politique et médiatique. Durant de trop nombreuses législatures, le Parlement ressemblait plutôt à une chambre de l’ennui, avec des débats techniques dont on connaissait déjà l’issue. Les députés s’apparentant à des presses-bouton.

Un grand n’importe quoi

Cette considération est toutefois valable quand on parle du fond. Or, ce mercredi et ce jeudi, il en a été très peu question. Et il en va de la responsabilité des députés. Pour un débat aussi crucial que celui du budget, seuls 111 députés sur 150 étaient présents. Du côté de la majorité, il a été très difficile de rassembler 76 députés sur 150 pour voter le texte. Certains privilégiant des voyages à l’étranger, d’autres s’absentant en cours de journée pour participer à des conférences internes à leur parti.

Le summum du grotesque a été atteint quand le député Mathieu Michel (MR) a voté à la place de son collègue Denis Ducarme (MR) lors du comptage du nombre de députés, ce qui est tout à fait illégal. Ce dernier s’était absenté aux toilettes, apparemment, expliquant qu’il s’agit “d’une tempête dans un verre d’eau”. L’opposition a crié au scandale. Le président de la Chambre, Peter De Roover (N-VA), pourtant issu de la majorité, n’a pu cacher sa honte.

Devant les caméras de Villa Politica, sur la VRT, il avait ces mots forts : “Être présent lors du débat budgétaire est une question de déontologie. J’en appelle aux citoyens, suivez ce que fait votre député et tenez-en compte lors des élections, qui sont le moment idéal pour les sanctionner.”

Le Parlement se “tiktokise”

Le nationaliste a également été mis mal à l’aise par les cris de certains députés. Le Parlement s’est transformé en bac à sable, ces deux derniers jours, le président du MR, Georges-Louis Bouchez, restant fidèle à sa réputation de trublion.

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D’autres ont choisi l’humour, comme le député de la N-VA, Axel Ronse, qui qualifiait les libéraux “d’esprits libres”, mais qui soulignait aussi la présence massive des députés N-VA, cd&v, de Vooruit et des Engagés, pendant que Paul Magnette (PS), depuis les bancs de l’opposition, lisait son journal, comme il le fait souvent lorsqu’il ne prend pas la parole.

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La Chambre évolue avec son temps. Certains s’y expriment quasi uniquement pour se filmer et repartager leur diatribe sur TikTok, comme Raoul Hedebouw (PTB). D’autres font pareil sur X, Facebook et Instagram en se croyant au conseil communal de Mons. On peut le déplorer, mais ce n’est pas illégitime de faire vivre la politique sur le vecteur numérique.

Ce qui pose davantage problème, c’est quand les dérives de cette société des réseaux sociaux s’installent au Parlement. Une société où tout le monde s’invective et plus personne ne s’écoute. Un Parlement où chacun peut troller les débats en criant le plus fort que l’autre. Un Parlement où la gauche et la droite ne sont plus capables de communiquer, comme c’est le cas depuis longtemps à l’Assemblée nationale, en France.

Le fond

En parlant de fond, justement, la Chambre a finalement adopté à 4 heures ce matin le budget 2025. Ce budget ne sera pas celui du retour à l’équilibre budgétaire. Il table sur un déficit de 4% du PIB, pour le seul État fédéral, soit 25,5 milliards d’euros, avec une croissance des dépenses nominales de 3,6%.

En cause, notamment, les dépense militaires portées à 2% du PIB, soit 12 milliards d’euros. Et l’Arizona doit encore expliquer où elle va trouver l’augmentation de 4 milliards d’euros de ce budget.

À plus long terme, le gouvernement fédéral va devoir aussi démontrer que ses réformes structurelles permettront d’engranger des effets retour considérables, en parvenant à créer de la croissance et atteindre les 80% de taux d’emploi.

Pour l’heure, tant la Commission européenne, que la Cour des comptes, la Banque Nationale et le Bureau du Plan n’y croient pas.

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