Eva De Bleeker (Open VLD) saute sur le budget, Alexia Bertrand (MR) la remplace
La secrétaire d’Etat libérale flamande démissionne et est remplacée par… une libérale francophone suite à son erreur dans la confection du budget. Celle-ci sera toutefois bien… Open VLD. Une double étiquette qui pose questions.
L’erreur commise par la secrétaire d’Etat Eva De Bleeker (Open VLD), lors de la confection du budget, lui aura été fatale. Elle est remplacée par… une libérale francophone, Alexia Bertrand.
L’erreur dans la confection du dernier budget fédéral avait été dénoncée par la N-VA en début de semaine, mettant le poste d’Eva De Bleeker sur la sellette. La N-VA a fait remarquer une erreur de calcul dans le budget. Cette “erreur matérielle” se trouvait dans le budget transmis à la Commission européenne, les documents indiquant un déficit 2023 de 6,1% du PIB, quand les textes déposés au Parlement fédéral reposent, eux, sur un déficit de 5,8%. La différence pèse quand même 1,3 milliard d’euros en 2023 (et 1,7 milliard pour 2024). Le cabinet de la secrétaire d’Etat au Budget, Eva De Bleeker (Open Vld), avait dû concéder une erreur, expliquée par la non prise en compte de la baisse de la TVA sur l’énergie. Une réforme des accises accompagne la mesure, et doit en principe la rendre neutre budgétairement, mais l’agenda de sa mise en oeuvre n’est pas connu. Pour cette raison, le budget ne l’intègre pas encore.
Interrogé en séance plénière par l’opposition, jeudi après-midi, le Premier ministre, Alexander De Croo (Open Vld) avait confirmé cette “erreur matérielle” qu’il a dit regretter. Ce vendredi, à l’issue d’une réunion de crise chez les libéraux flamands, Eva De Bleeker a donc démissionné.
Une double carte Open VLD et MR
Alexia Bertrand, députée régionale bruxelloise MR, a prêté serment pour la remplacer. Il s’agit d’un remaniement inhabituel, au sein d’une famille politique, par-delà la frontière linguistique. Son nom avait déjà été cité lorsque le MR a désigné Hadja Lahbib au ministère des Affaires étrangères, en remplacement de Sophie Wilmès.
Alexia Bertrand serait pourtant bien désignée sous l’étiquette…Open VLD. Certains y voient une prise d’écart par rapport au MR, la nouvelle secrétaire d’Etat ayant été déçue de ne pas avoir remplacé Sophie Wilmès. Chez les libéraux flamands, des voix s’élèvent pour souligner qu’il s’agit, par ailleurs, d’un camouflet pour les candidats Open VLD qui auraient pu briguer le poste.
Un transfuge? “La désignation d’Alexia Bertrand prouve que nous sommes des libéraux avant tout, commente Georges-Louis Bouchez, président du MR. Alexia aura les cartes Open VLD et MR car les deux formations politiques partagent le même idéal de liberté et de progrès. Pensée amicale à Eva De Bleeker qui n’a pas démérité.”
Cela ressemble pourtant bien… à un débauchage.
“Vous pouvez me considérer comme membre de l’Open Vld”
Une impression encore renforcée par la conférence qu’a donné Alexia Bertrand en compagnie d’Egbert Lachaert ce vendredi. “Vous pouvez me considérer aujourd’hui comme membre de l’Open Vld. Je fais partie de la grande famille libérale, mes premières lignes sont avec le président de ce parti et avec le Premier ministre”, a ainsi expliqué celle qui était encore il y a quelques heures cheffe de groupe MR au parlement bruxellois. Tempérant dans la foulée l’affirmation du président du MR, Georges-Louis Bouchez, selon laquelle l’intéressée serait membre des deux partis: “Il y a des personnes qui ont les deux cartes, je n’exclus pas de la (carte du MR) garder”, a souligné Mme Bertrand.
Les évènements se sont déroulés très rapidement
La nouvelle secrétaire d’Etat a dit prendre ce poste très sensible en ces temps de crise “avec modestie et le sens des responsabilités”. A l’entendre, les événements se sont déroulés très rapidement et ne procèdent pas d’un projet qui aurait mûri depuis plusieurs semaines. “J’ai reçu la demande (d’Egbert Lachaert) aujourd’hui. Et lorsque l’on reçoit une telle demande, on n’a pas des heures pour réfléchir“, a-t-elle expliqué. Durant la journée, Mme Bertrand dit avoir essayé de joindre M. Bouchez pour l’avertir de sa décision mais “on n’a pas réussi à se parler”, a-t-elle précisé.
De son côté, le président de l’Open Vld a insisté sur les qualités de sa nouvelle recrue qui en font à ses yeux la candidate idéale pour le Budget, par sa connaissance de la matière mais aussi par son parfait bilinguisme et sa connaissance du monde francophone. “Il faut placer la meilleure femme à la meilleure place”, a-t-il ajouté en qualifiant le travail budgétaire dans les mois qui viennent de “défi gigantesque”.
La nouvelle secrétaire d’Etat est toujours administratrice du holding Ackermans & Van Haaren, présidé par son père, Luc Bertrand. Elle en démissionnera dans les meilleurs délais, a-t-elle assuré.
Alexia Bertrand, la montée en puissance d’une femme courtoise et déterminée
Née le 30 mai 1979 à Wilrijk, Mme Bertrand a depuis lors également siégé au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. La nouvelle secrétaire d’Etat est la fille de l’homme d’affaires Luc Bertrand, patron d’Ackermans & van Haaren, société bien connue du monde de la finance.
Juriste de formation, diplômée en 2002 de l’Université Catholique de Louvain, Alexia Bertrand est également détentrice d’un master en droit de Harvard. Avocate au barreau de New York, puis de Bruxelles, spécialisée en droit des sociétés, elle a travaillé dans des cabinets d’avocats internationaux. Son arrivée en politique remonte à 2012, année de son intégration dans le cabinet du vice-Premier ministre MR Didier Reynders, en tant que conseillère en matière de Justice, d’Asile et d’immigration. En 2015, elle en devient la cheffe de cabinet.
C’est en 2012 qu’elle se lance également en politique au niveau local, sur la liste du bourgmestre libéral sortant de Woluwe-Saint-Pierre, Willem Draps. En 2018, elle est tête de liste “Open MR” et se voit créditer de 3.187 voix de préférence. Sa formation reste toutefois dans l’opposition.
En 2019, elle est élue députée bruxelloise avec 6.098 voix de préférence. Au début de l’été dernier, son nom avait été évoqué pour le remplacement de Sophie Wilmès, démissionnaire de son poste de ministre des Affaires Étrangères pour raison familiale. Dans les couloirs du MR, on avait par la suite indiqué que sa non désignation à ce poste avait engendré de l’insatisfaction chez cette mandataire libérale bon teint. “Cet épisode l’avait laissée KO”, a commenté vendredi une personnalité bruxelloise non libérale auprès de laquelle elle s’en était confiée.
Au parlement bruxellois, elle maniait l’art oratoire avec grande aisance, “avec parfois une dose de mauvaise foi”, aux dires d’un de ses adversaires politiques. Sous des dehors toujours courtois, elle s’est aussi fait connaître pour sa détermination, sa combattivité et son ardeur dans la préparation de ses dossiers.
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