Typhanie Afschrift

Energie: de la crise à la spoliation

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Il est difficile d’encore parler d’un impôt lorsque l’Etat prend tout simplement tout ce qui excède un certain montant.

L’Union européenne d’abord, la Belgique ensuite, ont pris position en ce qui concerne la taxation des prétendus surprofits des producteurs d’énergie. En ce qui concerne les hydrocarbures, le terme de “producteurs” est inexact. La réalité, c’est que les vrais producteurs, de l’Arabie saoudite au Qatar en passant évidemment par la Russie, ne sont pas touchés parce qu’il est impossible d’imposer ces entités étrangères, d’ailleurs souvent publiques. Et si on le faisait, cela ne ferait d’ailleurs que réduire encore notre capacité d’importer de l’énergie.

Pour l’électricité, c’est le terme de “surprofits” qui est inexact. Ce qui est taxé, ce n’est en effet pas un profit, ni encore moins un surprofit. La taxe qui est prélevée sur les producteurs d’électricité ne frappe en effet pas des bénéfices, ni des profits, mais du chiffre d’affaires. Ce que l’Etat prend, c’est tout ce qui excède, dans un premier temps 180 euros/MWh, puis 130 euros/MWh. Ce n’est pas là un bénéfice qui pourrait être une différence entre un prix de vente et un prix d’achat, mais tout simplement la totalité du produit des ventes. En comptabilité, et dans le langage courant, cette notion n’a rien à voir avec un profit. Bien plus, il est difficile d’encore parler d’un impôt, lorsque l’Etat prend tout simplement tout ce qui excède un certain montant.

On connaît la célèbre expression, répétée à l’envi par le politicien français Jean-Luc Mélanchon à propos des revenus dépassant un certain montant. Il disait: “Au-dessus de ce montant, je prends tout”. C’est exactement ce que l’Union européenne et la Belgique ont décidé de faire et il est assez préoccupant de voir qu’elles prennent ainsi exemple sur un doctrinaire d’extrême gauche. On ne peut que s’inquiéter en voyant de telles idées être reprises à leur compte par des institutions européennes et l’Etat belge.

Certes, on a tout fait pour rendre responsables les producteurs d’électricité et il est aisé de les vouer à l’opprobre public alors que les consommateurs voient leurs factures augmenter dans des proportions souvent insupportables. N’oublions quand même pas que ces factures comportent encore actuellement une proportion élevée de taxes et que si les prix sont élevés, c’est d’abord parce que l’énergie devient rare en raison de la politique suivie par les Etats européens. Si le gaz est rare, c’est d’abord parce que l’Allemagne, avec laquelle on nous oblige à être solidaire, a commis une double erreur politique majeure en décidant de fermer ses centrales nucléaires et en se plaçant en situation de dépendance énergétique à l’égard de la dictature russe. Tout cela, c’est la faute des politiques et pas celle des producteurs d’électricité.

Quant à la taxe établie sur les entreprises du secteur des hydrocarbures (qui, rappelons-le, ne sont en général pas des “producteurs”), elle est basée, dans le système européen, sur un simple calcul comparant leurs bénéfices imposables à 120% de la moyenne de ce bénéfice au cours des quatre années précédentes. Tout cela sans se préoccuper jamais d’une causalité entre la crise et les bénéfices réalisés au cours de cette année. Il suffit de n’importe quel autre élément positif, tel que des investissements judicieux, même en dehors du secteur de l’énergie, concernant 2022, ou au contraire des résultats anormalement négatifs pendant la période de référence antérieure, pour que tout le calcul soit faussé et que l’on amplifie démesurément la taxe due.

Même si les entreprises taxées ou spoliées de cette manière n’attirent pas la pitié, il faut s’inquiéter des méthodes désormais utilisées par l’Etat pour s’approprier les avoirs privés: spoliation totale, rétroactivité des prélèvements, fixation arbitraire de la base imposable, taux confiscatoires. En espérant que cela ne servira pas de précédent…

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