Dominé par les puissants, le football professionnel attaqué car il menace le modèle européen

Kevin De Bruyne: son Manchester City domine le foot anglais et ses propriétaires malmènent le foot européen.
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Alors qu’il consacre de plus en plus le pouvoir de l’argent et des Etats hyper-riches, le sport-roi est attaqué sur ses bases: propriétés étrangères, monopole du ticketing, marché des joueurs… Sur base du droit européen. Mais avec quelle chance de succès?

Les supporters de football se préparent à suivre l’Euro allemand avec passion. Non sans se poser des questions sur l’évolution du sport numéro un. Toutes les compétitions tendent à consacrer les clubs les plus riches, tandis que le modèle des futures compétitions (Champions League, Coupe du monde) tend à consacrer le pouvoir des nantis et d’un argent sans frontières.

Certains résistent, ou tentent de résister. Trois actions en justice ou devant les instances européennes ont l’ambition de faire trembler le modèle sur ses bases: propriétés étrangères, monopole du ticketing, marché des jours… En toile de fond, une ligne claire: l’évolution de ce sport contrevient aux règles fixées par le marché unique européen. C’est, déjà, ce qui avait permis à l’arrêt Bosman de révolutionner le marché des transferts en 1995. Sans forcément oeuvrer pour un mieux.

Le Petit Poucet virtonnais

La première affaire est menée par un Petit Poucet de nos championnats, le club gaumais de Virton. Son modèle économique est menacé après une rétrogradation en division amateur, cette année, après avoir terminé dernier de la divsion 1B. Mais ses dirigeants contre-attaquent, révélait une enquête de la RTBF, car ils s’estiment lésés par le système. Virton attaque Lommel, un club devenu le satellite de Manchester City et des Emirats arabes unis.

Lommel aurait reçu des injections d’argent frais répétées de la part de ses propriétaires surpuissants, 43 millions d’euros en huit mois. Une concurrence déloyale, selon Virton. Le principe de multi-propriété est de plus en plus courant dans le football. Dans le cas des Emirats arabes unis, ils possèdent désormais une galaxie impressionnante: Manchester City, Lommel, Troyes (France), Gérone (Espagne), Palerme (Italie), Melbourne (Australie), Bahia (Brésil), Montevideo (Uruguay), Mumbai (Inde), New-York (USA), Sichuan Jiuniu (Chine) et même un club à Singapour.

Pour Virton, cette intervention des capitaux publics dans le football contrevient à un règlement visant à protéger l’économie européenne d’ingérence étrangère et garantir la saine concurrence des entreprises dans le marché européen : le Foreign Subsidies Regulation (FSR). En clair, pas question pour un Etat extérieur à l’Union de modifier ainsi ses règles internes.

Outre Manchester City et ses satellites, d’autres clubs comme le Paris-Saint-Germain seraient susceptibles d’être concernés.

Le monopole du ticketing en question

Habitués des affaires visant à remettre en question le modèle capitalistique du football, les avocats liégeois Dupont et Hissel sont derrière une autre affaire en justice contre l’Etat belge et l’UEFA. Il s’agit, dans ce cas, de dénoncer le monopole du ticketing pour les grandes compétitions. Dans le cas de l’Euro, l’achat des bilelts et leur revente ne pouvait avoir lieu que via la plateforme de l’UEFA.

C’est la société allemande Ticombo, une plateforme de vente de tickets, qui est derrière ce recours en justice. Là encore, la législation européenne sert d’appui: l’entreprise estime que ce monopole représente un abus de position dominante et une infraction au droit à la concurrence.

Le football, en somme, est devenu l’otage de monopoles ou d’oligopoles d’Etat ou de structures d’organisation, rien que ça.

Les joueurs devenus des objets

Enfin, en mai, le même cabinet Dupont-Hissel avait initié une autre affaire en justice. Avec des chances de réussite. Après l’arrêt Bosman de 1995, libérant le marché des transferts, les avocats veulent corriger des effets pervers. Jean-Louis Dupont et Martin Hissel poursuivent leur croisade, au départ d’un autre cas concret, concernant le joueur français Lassana Diarra. Il s’agit désormais de permettre une meilleur régulation de ces échanges devenus sauvages. L’arrêt devrait bientôt tomber, mais l’avis de l’avocat général, dévoilé cette semaine, laisse à penser que les arguments des avocats pourraient être entendus.

L’affaire Diarra concerne le joueur français Lassana Diarra, un international français qui avait été à deux doigts de rejoindre le Sporting de Charleroi en 2014. Sous contrat au Lokomotiv Moscou, il avait mis fin à sa relation avec le club russe, après avoir été l’objet d’une baisse salariale décidée unilatéralement pour “baisse de performances”. Le Lokomotiv Moscou réclamant des indemnités et la Fédération russe refusant d’octroyer le certificat, le transfert avait avorté, après un passage par la chambre des litiges de la FIFA. Finalement, Lassana Diarra a finalement prolongé sa carrière à l’Olympique de Marseille, plus tard.

En attendant, l’affaire a abouti devant le tribunal du commerce du Hainaut. Celui-ci a posé une question préjudicielle à la Cour de justice européenne, estimant que la libre circulation des joueurs avait été entravée, par l’attitude du club et par le refus de la Fédération d’octroyer un certificat de transfert. Refrain connu, dans la lignée de l’affaire Bosman. Lassana Diarra aurait été, plusieurs mois durant, empêcher de pratiquer son métier.

Le football tremble sur ses bases.

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