Carte blanche
Dire plus avec moins de mots
La surabondance d’opinions et d’interprétations tous azimuts dans l’épineux débat sur les variants de la COVID et le déploiement de la stratégie vaccinale entraîne un douloureux manque de clarté dans la communication et un affaiblissement de l’adhésion aux mesures dans notre société.
Peu de gens semblent encore enclins à adopter une attitude attentiste, susceptible d’apporter calme et stabilité. Tout le monde y va, en revanche, de son point de vue, souvent sans nuances. Erreur. Aujourd’hui, il ne faut pas communiquer plus, mais moins. Il faut aussi une communication mieux pensée, équilibrée et cohérente, rehaussée par un récit convaincant sur la reconstruction de notre société. Telle est la clé qui nous permettra de surmonter une nouvelle crise : la crise de confiance.
Les coups de coude des politiciens, des virologues et des experts de tout acabit dans l’espoir que leur voix porte plus haut que le bruit ambiant conduisent à une abondance de commentaires et d’hypothèses souvent contradictoires. Tout cela dans une tentative désespérée d’offrir une perspective ou de se profiler dans leur rôle. Et pourtant… Le public attend de la transparence et cherche un fil conducteur pour comprendre la réalité dans laquelle nous vivons. Avec une éventuelle troisième vague à l’horizon, la situation en Belgique reste difficile et précaire. Les différends quotidiens entre politiciens et experts me font me demander si nous ne devrions pas peser un peu plus nos mots… voire garder le silence.
On oublie parfois que la crise actuelle nous amène à devoir lutter sur deux fronts : nous devons non seulement endiguer la crise sanitaire, mais aussi faire en sorte que la communication à son sujet soit enfin plus percutante. Car présenter les récents troubles aux Pays-Bas et leur hypothétique effet “tache d’huile” dans notre propre pays comme des émeutes brutales risque de dissimuler bien d’autres phénomènes tout aussi délétères. Les gens sont de plus en plus nombreux à ne plus s’informer et de moins en moins enclins à adhérer aux mesures, dans un contexte où la confiance portée à la couverture de la COVID-19 reflue (Nielsen et al. 2020b). Face à des antagonismes et des tensions en forte augmentation, il n’est pas surprenant que même la confiance générale dans les institutions de notre société, gouvernement, médias, sciences et entreprises, s’érode constamment (Edelman Trust Barometer 2021).
Nous avons besoin d’une nouvelle manière de communiquer. Une communication où l’excessif céderait la place à l’essentiel et aux faits. “La concision est l’âme de la sagesse”, dit le vieil adage. Davantage de communication n’est pas la réponse au problème, c’est le problème. Il convient d’apporter le calme dans le chaos, de donner un point d’appui et de créer de la stabilité pour les gens. En d’autres termes, la communication doit être le point final de la prise de décision en temps de crise, pas l’inverse. Les faits, étayés par la science, doivent avoir la priorité sur les théories, les interprétations et les divergences d’opinions. Accordez d’abord les violons avant de viser la vitesse de réaction.
Un récit fort vit pour toujours dans l’esprit de l’auditeur. Nous avons également besoin d’un leadership inspirant et d’une vision prospective, au niveau tant politique que des entreprises, sur la manière de reconstruire notre société et notre économie. Un processus dans lequel nous réfléchissons ensemble au renforcement de la compétitivité de la Belgique, à une reprise forte et en douceur, mais durable pour les générations futures. Une destination commune sur laquelle nous mettrions le cap, à 11 millions. Ce n’est qu’alors que l’on pourra donner de l’espoir à une société qui en a tellement besoin.
Nos dirigeants peuvent communiquer davantage avec moins de mots. Susciter plus de changement avec des actions de moindre envergure. Apporter plus de silence dans tout ce vacarme. Dans une crise, les paroles et les actes doivent apporter le calme et la stabilité. C’est la seule manière de pérenniser la confiance, bien après la fin de la crise.
Axel Smits, président de PwC Belgique
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