Démocraties en danger en France et en Belgique: l’heure de la créativité
En France ou en Belgique, les blocages politiques constituent une menace, faute de majorité évidente. Le président Macron refuse un Premier ministre NFP dans une séquence inédite, une médiation est entamée pour le gouvernement fédéral belge et des intentions créatives voient le jour en Région bruxelloise. Tout cela n’est-il pas contreproductif?
Les démocraties plient sous le poids des pressions extrémistes, mais elles ne rompent pas. En France et en Belgique, trois exemples illustrent toutefois la dose de créativité nécessaire pour continuer à gouverner et gérer tant le budget que l’économue. Avec une capacité des systèmes politiques à se réinventer, mais aussi avec le risque de décourager le citoyen.
France: un Vaudeville dangereux
Chez nos voisins, la séquence inédite ouverte par la dissolution de l’Assemblée nationale, au début de l’été, tourne au Vaudeville. Le président Emmanuel Macron, qui en fut l’étonnant décider au début de l’été, a ouvert les consultations après une longue trêve olympique durant laquelle il fut accusé de “déni de démocratie”.
Le Nouveau Front Populaire (NFP), coalition de partis arrivée en tête aux élections législatives, en a profité pour mener campagne en faveur de sa candidate Première ministre, Lucie Castets, sans disposer de majorité. Du jamais vu en France. Et de l’inédit: difficile de nommer une Première ministre sans quelle dispose d’une majorité.
Après un premier tour de table, Emmanuel Macron a dès lors annoncé publiquement qu’il ne nommerait pas une personnalité du NFP, au nom de la “stabilité institutionnelle”, provoquant la colère des partis intéressés (socialistes, écologistes, communistes et insoumis) qui veulent destituer le président. Il reste l’improbable possibilité de nouer un “front républicain” alliant droite, centre et gauche. Pour cela, il devrait toutefois… casser l’alliance du NFP.
Le Rassemblement national, les yeux rivés sur le prochain scrutin présidentiel, dénonce un “Vaudeville” défavorable pour les Français.
Morale de l’histoire: les Français prendront du temps à s’adapter au compromis à la belge.
Belgique fédérale: une médiation déjà vue
En Belgique fédérale aussi, c’est le blocage. Les partis s’inquiètent également: après l’échec de Bart De Wever (N-VA) comme formateur, le risque serait de le voir la N-VA se radicaliser, d’autant qu’elle fait face à la pression du Vlaams Belang en Flandre. Maxime Prévot, président des Engagés, dispose de dix jours (jusqu’à lundi prochain) pour une mission de médiation. L’objectif est toujours de mettre en selle l’Arizona alliant N-VA, MR, Engagés, CD&V et Vooruit. Pour cela, il faut surmonter l’obstacle fiscal.
Dans notre pays, champion du monde des crises, tout cela est bien huilé et on n’a, pour l’heure, utilisé qu’une infime partie des instruments possibles. Le Roi a consulté et désigné un médiateur, mais il y a déjà eu quantité de “missionnaires royaux” par le passé chargé d’informer, de déminer, de concilier… Bref, la palette permet de temporiser, de mener des discussions secrètes ou d’arrondir les angles.
L‘obstacle, cette fois, est également la perspective des élections communales, le 13 octobre, un scrutin qui pèsera inévitablement sur la capacité des partis à faire des concessions. On pourrait donc gagner du temps, encore, pour finalement remettre Bart De Wever sur le chemin du Seize.
Quoi qu’il en soit, tout cela reste difficile à comprendre pour le commun des mortels.
Région bruxelloise: un blocage de type nouveau
Mais en Belgique toujours, le gouvernement de la Région bruxelloise peine à voir le jour et pourrait nécessiter une créativité nouvelle.
Constitutionnellement, la coalition au pouvoir doit disposer de la majorité dans les deux groupes linguistiques: c’est une garantie offerte à la minorité flamande. Du côté francophone, c’est compliqué, mais on se parle entre MR, Engagés et PS. Du côté flamand, par contre, Groen a la main et n’a pas encore réussi à réunir tous les partenaires potentiels (Open VLD, Vooruit et CD&V), le négociateur CD&V pratiquant la politique de la chaise vide.
Derrière, la Team Fouad Ahidar, laissée de côté en raison de ses penchants communautaristes prononcés, prépare les communales… en débauchant des élus d’autres partis, faisant peser une menance sur le rapport de forces psychologique.
Selon La Libre, une réunion secrète à six aurait eu lieu entre MR, Engagés, PS, Groen, Vooruit et Open VLD pour envisager une issue. On pourrait toujours innover en délaissant le prescrit de la majorité dans les groupes linguistiques: ensemble, les six disposent d’une large majorité parlementaire au sens large.
La créativité permet toujours de forcer les choses, en laissant du temps au temps.
Mais en coulisses, les populistes se frottent les mains en raison de cette complexité qui peut devenir contreproductive.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici