DéFI se déchire sur la crise bruxelloise: “Il en va de la prospérité francophone”
La crise politique bruxelloise fait une victime collatérale : DéFI explose. Olivier Maingain, son ex-président, va créer un nouveau parti, évoquant une nécessité de “fierté et grandeur”. Sophie Rohonyi, actuelle présidente, défend sa vision “pragmatique” : il faut “remettre la Région sur les rails budgétaires”.
La crise politique bruxelloise et la menace d’une mise sous tutelle de la Région provoquent des secousses sur le terrain politique. DéFI, le successeur du FDF, est en voie d’implosion. Olivier Maingain, qui a présidé le parti de 1995 à 2019, a décidé de quitter sa formation de cœur. Il entend bien créer un nouveau parti politique. “C’est le fruit d’une divergence profonde et irrémédiable”, nous confirme-t-il.
En cause: le manque de combativité de ses successeurs à la tête de DéFI en ce moment clé pour la capitale. Et la volonté de “réveiller les francophones”, tant sur le plan institutionnel que socio-économique.
“Ce faisant, Olivier Maingain divise au contraire les francophones à un moment critique, déplore Sophie Rohonyi, actuelle présidente de DéFI. Nous optons, nous, pour une vision pragmatique, avec la volonté de défendre l’union des francophones.”
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La Région bruxelloise menacée
“C’est la première fois depuis la naissance de la Région bruxelloise que, par calcul partisan ou en raison d’enjeux internes à certains partis, sa gestion pourrait échapper à la volonté des seuls Bruxellois, nous confie Olivier Maingain. C’est la négation même de mon engagement politique depuis toujours. Et c’est un risque majeur, augmenté par la présence de la N-VA au sein de la majorité néerlandophone, avec un cahier de revendications institutionnelles clair, largement partagé par les autres partis.” Il est notamment question de fusionner communes, CPAS ou zones de police.
L’ancien président dit avoir alerté à de nombreuses reprises en interne, au sein de DéFI. “Ses nouveaux dirigeants n’ont plus la hargne de se battre face à ce risque majeur, défend-il. Georges-Louis Bouchez et le MR ont abandonné la vision francophone, considérant que les communes et la Fédération Wallonie-Bruxelles sont des garde-fous face aux velléités flamandes. Sans doute en raison de leurs négociations avec la N-VA au fédéral. Mais quand on l’interroge à ce sujet, Bernard Clerfayt (actuel ministre régional bruxellois pour DéFI, ndlr) estime, par exemple, que ‘ce n’est pas le problème le plus important’. Or, il devrait s’agir d’une priorité !”
De façon plus générale, Olivier Maingain estime que les francophones doivent retrouver “de la fierté et de la grandeur” face à une Flandre déterminée. Et ce alors que Bart De Wever, président de la N-VA, se prépare à devenir Premier ministre. “Ne pensez pas qu’il ne travaillera pas dans l’intérêt de la Flandre, prolonge-t-il. Je n’en veux pas aux partis flamands d’être forts, même si je ne partage pas leur vision nationaliste, j’en veux aux francophones d’être faibles.” Depuis l’annonce de sa décision, le 20 décembre, le rebelle francophone dit travailler d’arrache-pied à la création d’un nouveau parti au sein duquel il ne sera pas forcément en première ligne. “Mais je resterai un infatigable débatteur”, sourit-il.
“Je n’en veux pas aux partis flamands d’être forts, j’en veux aux francophones d’être faibles.” Olivier Maingain, ancien président et actuel ‘rebelle’ de DéFI
Un “préjudice socio-économique”
En ce qui concerne la Région bruxelloise, Olivier Maingain ne conteste pas la nécessité de réformer, mais en veillant à ne pas fragiliser les francophones. “Il y a un problème structurel de financement de la Région Bruxelles-Capitale, souligne-t-il. Aucune Région ne pourrait assumer de telles externalités en étant figée dans un carcan territorial et sans un soutien financier substantiel.
“C’est un vice de construction de la Région, tous les partis sont responsables. Les francophones devraient s’entendre entre eux pour réclamer un mécanisme de correction. Il faut aussi remettre de l’ordre dans la gestion régionale, aux dépenses exagérées, mais sans toucher aux communes.”
Olivier Maingain situe cela dans un contexte plus large, expliquant le fondement de son parti à venir : “Ma préoccupation a toujours été que les francophones soient plus forts sur le plan économique et social. Ce débat concerne aussi la prospérité et la création d’emplois. Trop de décideurs francophones sont dans une logique de dépendance à la Flandre. Bien sûr, il y a des succès au nord du pays, mais il y a aussi des échecs avec ces deux premiers partis qui ne sont pas les plus démocratiques qui soient.”
Il manque d’un projet politique “pour faire en sorte que Bruxelles et la Wallonie soient capables de mettre en œuvre un projet d’excellence”, soutient-il. “On doit redonner de la fierté aux francophones. Lors de la mission sur l’avenir des institutions francophones, menée en 2021 à la demande du gouvernement bruxellois francophone, j’ai rencontré énormément de personnes en demande à ce sujet. Le projet MR-Engagés se veut ambitieux, mais il manque de grandeur et de vision.”
La section de DéFI à Woluwe-Saint-Lambert, dont il est bourgmestre, a déjà annoncé suivre Olivier Maingain dans son “aventure”. Son fils, Fabian Maingain, député bruxellois, ne quitte pas le parti pour l’instant, mais fixe ses conditions. “J’ai de nombreux contacts avec d’anciens militants déçus, confie le ‘rebelle’. Dans les deux mois qui viennent, j’annoncerai le nom du parti.”
“Un gouvernement à la majorité simple”
“C’est triste à dire, mais je suis soulagée de son départ, réagit l’actuelle présidente de DéFI, Sophie Rohonyi. J’ai été sa collaboratrice parlementaire, je sais tout ce que je lui dois. Mais il nous a rendu la vie très difficile ces derniers mois. Ce débat sur Bruxelles n’est que le dernier d’une longue série, il critiquait jusqu’au choix de nos têtes de liste pour les élections. Je lui ai dit : pourquoi ne nous fais-tu pas confiance ?”
La présidente défend une vision “pragmatique” de la crise bruxelloise et se dit prête à contribuer à une solution. “Oui, la Région bruxelloise est à un tournant existentiel, souligne-t-elle. C’est vital de mettre en place un gouvernement d’urgence, de plein exercice. Si l’on continue de la sorte, la dette bruxelloise pourrait atteindre les 22 milliards en 2029. Plus on tarde, plus les efforts seront douloureux. La loi permet que l’on mette en place un gouvernement à majorité simple, sans double majorité dans les deux groupes linguistiques. Cela réclame du courage politique et du sens politique de la part des partis francophones, PS et MR en tête.”
Or, les deux principales formations francophones sont frileuses, dit-elle: “Le MR vient uniquement avec des demandes de simplification institutionnelle, sans doute en guise de monnaie d’échange pour ses négociations de l’Arizona avec la N-VA. Le PS est très réfractaire à l’idée de faire des économies sur le logement social ou des diminutions de subsides à des associations qui lui sont proches, par exemple. Nous, nous sommes favorables à une politique de rationalisation de la fonction publique, de diminution du nombre d’organismes publics ou d’évaluation des politiques menées. Les pistes existent !”
Sophie Rohonyi n’est pas naïve : “C’est la survie de la Région bruxelloise qui est en jeu. La volonté du fédéral, c’est visiblement de prouver que Bruxelles n’est pas gérable, un thème véhiculé par les partis nationalistes flamands et par le président du MR. Plus que jamais, Bruxelles doit être gérée par les Bruxellois. Si on ne remet pas la Région sur les rails budgétaires, on fera le lit de ceux qui n’aiment pas notre capitale.”
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