Covid: l’espoir du “test and fly”
Des tests Covid rapides pourraient éviter les quarantaines et rassurer les passagers. Les compagnies aériennes et les aéroports souhaitent les systématiser, pour augmenter un trafic toujours très poussif. La France et l’Italie les expérimentent.
Le retour du coronavirus a cassé le mouvement de redécollage des compagnies aériennes. Ainsi Brussels Airport a-t-il enregistré en septembre un trafic correspondant à 15% à peine de la normale. Ses chances d’arriver en fin d’année aux 50% espérés par Arnaud Feist, son CEO, s’évanouissent.
Les compagnies aériennes et les aéroports s’accrochent maintenant à l’idée de généraliser les tests rapides aux départs. Une manière, espèrent-ils, d’accélérer le retour aux voyages après la vague de contamination actuelle. Il s’agirait de développer une formule test and fly, où les passagers seraient systématiquement testés, avec l’espoir d’ainsi négocier l’exemption d’une quarantaine dans les pays qui l’exigent actuellement.
“Il existe une technologie de test qui correspond à nos besoins de vitesse, d’efficacité, de coût et de faisabilité dans le processus des voyages”, indique Alexandre de Juniac. Le directeur général de l’Iata, l’association internationale du transport aérien, parle ici des tests antigéniques dont le résultat, considéré comme suffisamment fiable, peut être obtenu en 15 minutes. Le test le plus courant actuellement est le PCR, dont le résultat se fait attendre entre 24 et 48 heures, sinon plus.
La France a décidé de lancer des tests antigéniques aux départs de destinations comme les Etats-Unis dans quelques aéroports, dont Roissy-Charles-de-Gaulle. Alitalia expérimente le système sur deux de ses sept vols quotidiens entre Rome et Milan. La Commission européenne s’intéresse à la question. “Elle explore la possibilité d’un protocole de test pour l’aviation à travers l’EASA (agence pour la sécurité aérienne) et l’ECDC (agence de contrôle des maladies)”, confirme Stephan Meder, porte-parole de la Direction générale des Transports.
Rassurer les passagers
“L’avantage de ce type de test systématique, c’est qu’il rassurerait les passagers”, estime Nathalie Pierard, porte- parole de Brussels Airport. Les clients auraient l’assurance de voyager sans être assis à côté de gens contaminés. Les compagnies aériennes appliquent des mesures pour limiter les risques, comme le port du masque obligatoire. Brussels Airport mesure la température, mais tous les voyageurs ne sont pas tranquillisés pour autant.
Brussels Airport a mis en place, surtout pour les départs, un service de test reconnu par Siensano, qui fonctionne sur une base volontaire. D’une capacité de 200 tests par heure, le système utilise la technologie PCR. Les résultats arrivent en 24 heures, pour un prix de 67 euros. L’option rapide, qui coûte 135 euros, exige tout de même quatre heures d’attente. Les voyageurs disposant d’un code d’activation fourni par le gouvernement (et d’une mutuelle) sont remboursés.
15% : le trafic aérien à Bruxelles-National en septembre 2020, par rapport à une année “normale”.
Réalisé lui aussi par prélèvement nasal, le test antigénique intéresse de plus en plus les gouvernements. La France le développe pour améliorer le testing de la population. Le ministre de la Santé belge Frank Vandenbroucke en a commandé 500.000, et ce n’est peut-être pas fini. Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral du centre de crise, l’estime raisonnablement fiable. Ce test s’est perfectionné depuis la première vague de contamination durant laquelle il était apparu. Il a l’avantage d’être nettement moins cher que le PCR (environ 10 euros).
Yves Van Laethem précise que s’il est un peu moins sensible que le PCR, le test antigénique reste utilisable de manière efficace. “Si le résultat est positif, cela signifie que le virus est présent en grande quantité, donc qu’on est particulièrement contagieux”, a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse. S’il est négatif, mais qu’il y a suspicion d’infection, il faudra passer par le PCR.
Remplacer les quarantaines
Brussels Airlines, principal transporteur de l’aéroport de Zaventem, défend bien sûr cette approche. “Nous plaidons pour une stratégie de dépistage systématique au départ en lieu et place des quarantaines”, insiste Kim Daenen, porte-parole de la compagnie. La perspective de devoir s’isoler dissuade en effet les voyageurs. “Si l’on pouvait au moins s’accorder pour essayer le système sur certaines lignes pour commencer!”, demande Pascal Struyven, président de la BATM, l’association belge des travel managers, qui a participé à un appel du secteur du voyage belge aux autorités pour “l’introduction de tests antigéniques pour les voyageurs dans les aéroports.” Parmi les signataires figurent les aéroports de Bruxelles et de Charleroi, Air Belgium et l’ABTO (tour opérateurs).
Le chantier est considérable. Ce testing devrait s’intégrer, en Belgique, dans une stratégie nationale. Pour permettre d’éviter les quarantaines, il devrait aussi être reconnu à la fois chez nous et par les pays de destination. Pour l’heure, les voyageurs venant des pays en zone rouge peuvent être invités à se faire tester et à observer une quarantaine d’une semaine.
L’argument de la survie du secteur
Il est clair qu’une coordination, même européenne, a été très difficile à organiser ces derniers mois – on l’a vu pour les zones de couleur. Si la Commission et ses agences peuvent mettre au point un protocole, elles ne peuvent pas l’imposer. “Ce sont des recommandations. Les Etats doivent donner leur accord. Le point clé est que ces recommandations doivent être suffisamment souples pour que le voyage reste attractif”, résume Virginia Lee, directrice de la communication Europe chez ACI, l’organisation fédérant les grands sociétés aéroportuaires dans le monde. Pour l’ACI, ce testing ” devrait être organisé et financé par les autorités publiques.” Une certaine coordination existe d’ores et déjà puisque plusieurs pays acceptent les résultats des tests effectués au départ de la Belgique. “C’est le cas de l’Italie, de la Grèce et de l’Allemagne”, précise Nathalie Pierard.
Mais l’argument ultime des aéroports et des transporteurs, c’est qu’on parle désormais purement et simplement de leur survie. “Tout le secteur aérien est en train de mourir à petit feu”, déplore Augustin de Romanet, le patron du Groupe ADP (Aéroports de Paris), sur la chaîne de télévision BFM Business. Le secteur (Lufthansa, Air France-KLM, Brussels Airlines, Air Belgium, etc.) a déjà été renfloué par des fonds publics.
Test en cinq minutes à Zaventem en 2021?
Un nouveau test, développé par l’Imec, un centre de recherche et d’innovation basé à Leuven, se profile à l’horizon. Il propose une détection du virus SARS-CoV-2 (Covid) “en moins de cinq minutes”, promet le communiqué qui annonce son développement, et un essai grandeur nature à l’aéroport de Zaventem dès l’été 2021. “Contrairement à l’approche courante (test sanguin, salivaire ou nasopharyngé), le nouveau test identifie les particules du virus dans l’air exhalé par la personne.” Il est plus rapide et moins inconfortable.
L’Imec annonce une fiabilité compétitive par rapport à celle du PCR, et plus élevée que celle du test antigénique. Le système utilise, pour procéder à une analyse moléculaire ultra-rapide de l’échantillon d’air collecté, une unité d’analyse électronique conçue à l’Imec, dans le cadre d’un programme financé à hauteur de 2 millions d’euros par le gouvernement flamand. Il doit subir une phase d’essai clinique, organisée par l’UZ Leuven. Un prototype sera mis en service à Brussels Airport dès l’été 2021, après quoi il devra être soumis à l’approbation des autorités sanitaires nationales.
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