La pression fiscale belge s’élevait l’an dernier à 58,7%, comme nous l’apprend l’étude annuelle du bureau de consultance PwC. En Europe, il n’y a qu’en France et en Italie qu’elle se situe à un niveau plus élevé. Le ‘time to comply’, le nombre d’heures dont une société a besoin pour satisfaire à l’ensemble des exigences fiscales, se situe toutefois en dessous de la moyenne européenne.
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PwC publie chaque année une étude qui analyse la pression fiscale de 190 économies. Du Paying Taxes survey 2017, il ressort que la pression fiscale diminue déjà depuis quelques années dans le monde. Alors que la pression fiscale pour les sociétés (charges sur le travail, impôt sur les bénéfices, taxes sur les plus-values) s’élevait en moyenne à 51,8% il y a dix ans, elle n’est plus que de 41,7% aujourd’hui. Au niveau européen également (pays de l’UE plus les pays de l’Association européenne de libre-échange, dont la Norvège et la Suisse), il y a une diminution. La pression fiscale y est passée de 44,8 à 41,6%.
L’histoire belge est différente. Chez nous, la pression fiscale s’élevait l’an dernier à 58,7%. Ce n’est pas seulement le troisième chiffre le plus élevé (après la France et l’Italie), la pression fiscale reste en outre relativement constante depuis des années. En 2006, la pression fiscale totale pour les sociétés s’élevait ici à 57,9%. Ce chiffre n’est pas descendu en dessous de 57% en dix ans – sauf en 2007 (55,9%) et en 2008 (55,2%). “La Belgique reste quelque 18% au-dessus de la moyenne européenne. “Ce n’est peut-être pas surprenant, mais tout de même préoccupant”, estime Patrick Boone, Managing Partner Tax & Legal Services chez PwC. “Prenez l’impôt des sociétés. Avec un taux de presque 34%, la Belgique se situe à la 15e place dans le monde. Un taux attractif est pourtant important pour attirer des investissements.”
“Si des sociétés envisagent des investissements, c’est le taux nominal qu’elles regardent d’abord”, ajoute Axel Smits, le CEO de PwC Belgique. “Le démarrage des discussions concernant la diminution de l’impôt des sociétés l’été dernier, c’était bien. Les clients le voyaient positivement. Mais il n’y aura apparemment plus d’avancée dans ce dossier cette année. Cela n’aide pas. Beaucoup de questions se posent également. À quoi ressemblera le nouvel impôt des sociétés ? Comment le régime actuel sera-t-il adapté ? Cette incertitude concernant la réforme de l’impôt des sociétés constitue un facteur dissuasif pour les investisseurs étrangers.”
Complexe et pas stable
Smits souligne que les autres pays ne restent pas à ne rien faire et qu’ils désirent diminuer la pression fiscale pour les sociétés via l’impôt des sociétés. En Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, on parle ouvertement d’un taux de 15%. “Il n’y a en outre pas que le taux. Des pays comme l’Irlande ou les Pays-Bas peuvent en partie être comparés à la Belgique. Mais ils ont une fiscalité simple et stable. En Belgique, le système fiscal est complexe et instable. Oui, les intérêts notionnels ont leurs avantages et sont copiés dans d’autres pays. Mais le système a été adapté à plusieurs reprises ces dernières années. Les sociétés étrangères ne comprennent pas cela.”
Smits relève ensuite que le régime fiscal belge se caractérise par des taux plus élevés qui résultent en une base d’imposition limitée. Avec cette base limitée, on n’entend pas seulement que certains revenus, du fait des régimes d’exception, ne sont pas soumis à l’un ou l’autre impôt. Mais aussi que le nombre d’investissements dans et par des entreprises se situe à un niveau relativement bas ici, ce qui a un effet négatif sur les recettes fiscales. Smits: “Vous avez par conséquent besoin de votre taux élevé pour avoir suffisamment de recettes. Il serait mieux d’élaborer un système avec un taux plus bas pour imposer un volume plus élevé. Mais cette philosophie semble ne pas encore avoir été comprise ici. Un impôt des sociétés plus bas n’est pour moi qu’un des éléments de ce qu’une vision plus large de l’investissement devrait être, une vision qui tient compte de la numérisation de notre économie et du besoin d’une infrastructure et d’une mobilité adaptées, etc. C’est nécessaire pour veiller à ce que nous restions pertinents. Essayons de faire de la Belgique un hub. Si des multinationales pensent à s’implanter dans une ville européenne continentale, je les entends citer Berlin, Amsterdam ou Paris. La même chose vaut pour les jeunes sociétés belges qui doivent choisir le lieu où elles veulent croître. Pour elles, créons un cadre attrayant à Bruxelles et nous aurons automatiquement plus de contribuables et donc plus de revenus. Ce qui permet dans ce cas des taux plus bas.”
“J’ai en outre aussi des questions concernant un certain nombre de réformes fiscales récentes ou planifiées”, continue Smits. “On diminue les taux dans une certaine branche des impôts pour les augmenter ailleurs. Comme la proposition de compenser l’impôt des sociétés par un impôt sur la plus-value. Je n’appelle pas cela une politique d’investissement.”
Meilleure interaction entre l’administration des impôts et les sociétés
Outre la pression fiscale totale, l’étude Paying Taxes calcule aussi le time to comply (la charge administrative, le nombre d’heures dont une société a besoin pour remplir toutes ses obligations fiscales) et le nombre de paiements effectifs (les paiements sont par exemple effectués par trimestre ou par an). Tout comme la pression fiscale, le time to comply diminue également aux niveaux mondial et européen. En Europe, celui-ci a ainsi diminué de 237 heures en 2006 à 174 en 2015. C’est une tendance internationale, les administrations fiscales sont occupées à effectuer un exercice d’efficacité, certainement dans le domaine de l’e-filing. Les administrations prévoient plus d’autorégulation des assujettis. En Belgique, une société consacre en moyenne 161 heures pour remplir ses obligations. Notre pays se situe de la sorte sous la moyenne européenne. C’est une bonne chose en soi, mais Patrick Boone de PwC prévient tout de même: “Le nombre d’heures que les sociétés belges consacrent à cette compliance est resté relativement stable ces dernières années. La Belgique a structuré correctement son dispositif fiscal assez tôt. Nous avons aussi une très bonne pratique du ruling. Mais l’avance que la Belgique avait sur d’autres pays est toutefois en train de disparaître. Un certain nombre de choses doivent être améliorées. Comme la recherche d’une interaction entre l’administration et les assujettis sur une base presque quotidienne.”
Un autre problème typiquement belge est qu’il n’existe pas de consolidation fiscale, ici. “Une multinationale qui a cinq sociétés chez nous introduira cinq déclarations fiscales différentes et elle peut être contrôlée cinq fois. C’est une charge supplémentaire”, explique Smits.
En ce qui concerne le nombre de paiements par assujetti, la Belgique se situe dans la moyenne européenne avec 11, comme nous l’apprend l’étude Paying Taxes. “Mais dans la plupart des pays voisins, c’est inférieur et cela continue à diminuer. Peut-être devrions-nous examiner nos systèmes de perception”, conclut Boone.