Olivier Mouton
Climat: investir, investir, investir…
L’action en faveur du climat reste une nécessité absolue. Y renoncer ne peut pas être une option.
Notre monde a basculé le 24 février dernier avec l’attaque brutale de la Russie contre l’Ukraine. Soudain, un risque géopolitique majeur est venu rappeler que la paix en Europe est loin d’être assurée. Après une pandémie de covid ayant déjà mis le doigt sur les fragilités économiques de notre continent, ce conflit d’une violence extrême a également réveillé le spectre de l’inflation, dopée par l’énergie, et révélé notre funeste dépendance à l’égard des économies fossiles russes. Comme si les leçons du règne brutal de Vladimir Poutine depuis la Tchétchénie et les signaux d’alarme des multiples rapports du Giec sur l’état de notre planète n’avaient pas été retenues.
L’action en faveur du climat reste une nécessité absolue. Y renoncer ne peut pas être une option.
“Nous sommes complètement accros aux énergies fossiles, on ne peut pas s’en détacher!”, regrette dans ce magazine une Adelaïde Charlier, coordinatrice des Jeunes pour le climat en Belgique francophone, dégoûtée. “Il suffit de voir la difficulté que l’Europe a éprouvée pour décider d’un embargo partiel sur le pétrole russe, ainsi que son incapacité à prendre une mesure similaire sur le gaz”, dit-elle. Le climat est la victime collatérale de la guerre. Les mesures de soutien aux ménages pour leur consommation d’énergie confirment notre ambiguïté de comportement. La conjoncture se détériore avec les coups de boutoir de l’inflation et l’endettement des Etats préoccupe à nouveau.
L’action en faveur du climat reste pourtant une nécessité absolue. Y renoncer ne peut pas être une option. “Du strict point de vue d’un assureur, le risque environnemental aura, sur le plan matériel, des conséquences inouïes”, soulignait Philippe Lallemand, CEO d’Ethias, lors de notre Trends Summer University, qui a rassemblé, le week-end dernier, quelque 200 CEO à Knokke. Pour autant, le patron d’Ethias reste confiant: l’Europe a compris la nécessité d’agir, il y a un cap et une vision en dépit des incidents de parcours comme le vote reporté d’un paquet “climat” important par le Parlement européen, mercredi 7 juin. Et les capitaines d’industrie intègrent l’urgence.
“Investir, investir, investir : dans cette période, il faut continuer même si l’argent n’est plus gratuit, c’est fondamental.” Tel est le leitmotiv de Guillaume Boutin, CEO de Proximus, exprimé avec d’autres patrons également lors de cette Trends Summer University, dont la tonalité était à la fois préoccupée et très “verte”. “C’est une opportunité de changer notre modèle opérationnel, précise le CEO. Nous pouvons faire d’une pierre deux coups: réduire nos coûts et faire profiter la planète.” François Lecomte, chief of staff Belfius, ajoute: “Les investissements nécessaires pour la transition énergétique en Belgique sont évalués à 40 milliards d’euros par an et cela peut monter graduellement. Il est évident que les banques vont devoir jouer un rôle”. L’union sacrée?
“On ne va pas faire du business sur une planète où les êtres humains ont du mal à vivre ou à survivre, avertit le climatologue Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l’UCLouvain et ancien vice-président du Giec. Cette révolution énergétique et environnementale est dans l’intérêt supérieur de l’humanité. Il reste une compréhension insuffisante des opportunités que cela représente.”
La guerre en Ukraine pourrait accélérer les changements avec la sortie accélérée et désormais programmée de notre dépendance à l’égard de la Russie, une implication majeure de tous les acteurs dans la transition et des investissements massifs du secteur privé, en plus des Etats. C’est tout le paradoxe. Mais pour concrétiser ce pari, il conviendra de tenir le cap à travers les tempêtes!
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