Chômage: la distinction entre isolé et cohabitant ne viole pas la Constitution

La différence de montant de l’allocation de chômage suivant que le bénéficiaire est isolé ou cohabitant ne viole pas la Constitution, a jugé jeudi la Cour constitutionnelle en réponse à une question préjudicielle.
Deux chômeurs ont contesté devant la justice le remboursement d’allocations que leur réclame l’ONEm parce qu’ils ont touché celles-ci au taux isolé pour l’un et chargé de famille pour l’autre alors qu’en réalité ils vivaient ensemble. La Cour du travail de Liège a saisi la Cour constitutionnelle à propos de cette distinction. Elle se demandait si l’octroi de montants différents selon que l’on vit seul ou avec quelqu’un respecte le principe d’égalité et de non-discrimination, et le droit au respect de la vie privée et familiale.
La Cour juge la distinction légitime.
“L’objectif du législateur de tenir compte de l’existence de besoins et charges différents pour les chômeurs, en fonction de la composition du ménage, est légitime. La circonstance que les allocations de chômage sont octroyées dans le cadre d’une assurance sociale n’empêche pas que le législateur, compte tenu de la marge d’appréciation étendue dont il dispose, puisse estimer nécessaire de tenir compte des besoins et des charges différents des catégories de chômeurs. Par ailleurs, la composition du ménage est un critère objectif et pertinent au regard du but poursuivi par le législateur, dès lors que les besoins du chômeur peuvent varier en fonction de ses choix de vie”, estime-t-elle.
La Cour ne nie pas l’incidence sur le droit au respect de la vie privée et familiale mais considère que cette ingérence est prévue a priori et de manière suffisamment accessible, et énoncée avec suffisamment de précision. À ses yeux, les effets de cette distinction ne sont pas “disproportionnés” car le critère de la composition du ménage cherche à assurer la proportionnalité entre le montant de l’allocation et les besoins de l’allocataire compte tenu des différents choix de vie possibles.
En revanche, l’arrêt ne se prononce pas sur la détermination concrète des modalités de calcul de l’allocation. À la Cour du travail de Liège de vérifier si celle-ci est compatible avec les droits fondamentaux.
La suppression de la distinction entre isolé et cohabitant dans le régime des allocations sociales est réclamée de longue date par de nombreux mouvements sociaux et féministes, ainsi que par les partis de gauche. Ils dénoncent un “modèle familialiste” de la sécurité sociale qui remonte à 1945 et qui repose sur les droits accordés au chef de famille. Le PS a déposé à la Chambre au mois de septembre une proposition de loi qui met fin au statut de cohabitant. À sa demande, la Cour des comptes avait estimé l’impact financier de cette suppression, qui concernerait 584.000 personnes, à 1,86 milliard d’euros.