Chars occidentaux en Ukraine: un casse-tête qui en vaut la peine
D’ici quelques mois, l’armée ukrainienne devrait disposer d’un peu plus de 300 chars occidentaux. Une décision importante, tant d’un point de vue militaire que politique, comme l’explique Wally Struys, professeur émérite à l’Ecole royale militaire.
Combien de chars vont-ils être livrés et quel en sera l’impact ?
WALLY STRUYS. En fonction de ce qui est plus ou moins promis, on pourrait tourner aux alentours des 300. C’est une décision importante d’un point de vue militaire, mais plus encore d’un point de vue symbolique, car elle nous mène politiquement bien au-delà de là où nous voulions aller il y a six mois. Nous disions alors que nous n’allions pas livrer ce type d’armement parce que cela aurait constitué une ligne rouge à ne pas franchir. Vladimir Poutine pourrait donc considérer cette livraison comme une implication plus importante que purement défensive. Mais les lignes rouges bougent sans cesse. Aujourd’hui, on parle même de livrer des F-16.
Les chars occidentaux sont-ils très différents des T-90 ou T-80 russes ?
La Russie a même remis en service des T-72, très anciens. Mais les chars occidentaux leur sont en effet supérieurs. Et donc 300 chars est un nombre intéressant, surtout si les Ukrainiens peuvent les concentrer en un endroit du champ de bataille pour avoir un effet de masse et percer les lignes ennemies. Mais ces chars pourraient aussi être mis en position défensive, pour enrayer une offensive russe. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’armée belge possédait un peu plus de 330 Leopard 1 au moment de la guerre froide. C’était pour pouvoir résister à une attaque blindée soviétique dans les plaines d’Allemagne du Nord.
Mais prendre livraison de chars américains Abrams, Challenger britanniques, Leopard 2 allemands et peut-être Leclerc français, n’est-ce pas un casse-tête logistique ?
C’est déjà un casse-tête quand vous n’avez qu’un seul type de char ! Mais oui, il faudra former des Ukrainiens pendant des mois. C’est tout un système logistique de carburant, de pièces de rechange, d’entraînement. Les Leopard 2, les Abrams, les Leclerc ne sont pas des chars que l’on peut prendre en main du jour au lendemain. Il faut entraîner les équipages à s’en servir, à opérer en escadron… On parle de trois ou quatre mois de formation au minimum. Quand nous voulions former un officier de char dans l’armée belge, cela prenait neuf mois. C’était évidemment dans d’autres circonstances ! Mais les Ukrainiens s’accommodent de ces problèmes logistiques parce qu’ils voient que les systèmes d’armement occidentaux prouvent leur valeur sur le terrain. Et il est fort probable que plusieurs pays ont déjà, depuis un certain temps, des militaires ukrainiens en formation pour tel ou tel système d’armes (chars, missiles antiaériens, etc.).
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