Entre délit d’initié, pas en arrière et improvisation, voici les coulisses de la volte-face de Donald Trump sur les tarifs douaniers

Les partisans de Trump estiment que tout était prévu depuis le début. D’autres taclent l’improvisation la plus totale et accusent le président américain de manipulation de marché. Retour sur ces quelques heures complètement folles qui ont fait basculer les places boursières du monde entier.
“Cela venait du cœur”: voilà comment Donald Trump a expliqué son incroyable volte-face douanière, après avoir pendant une semaine fait craindre un infarctus commercial mondial.
Mercredi à 9h33 locales (13h33 GMT), rien ne laisse présager un retournement de situation: “RESTEZ COOL” (“BE COOL”) écrit le président américain sur son réseau Truth Social, assurant “tout va bien se passer”.
“RESTEZ COOL”, écrira la Maison-Blanche à 17h00 locales (21h00 GMT) sur le réseau X, en commentaire d’une photo de Donald Trump souriant, entouré de son ministre du commerce, Howard Lutnick, et de son ministre des Finances, Scott Bessent.
BE COOL.@SecScottBessent @HowardLutnick pic.twitter.com/1z7eNoAteO
— The White House (@WhiteHouse) April 9, 2025
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Entre les deux messages, l’Amérique et le monde ont assisté à un invraisemblable revirement.
Lorsque Donald Trump appelle ses compatriotes au calme, en début de matinée, ses nouvelles surtaxes douanières sont en vigueur depuis quelques heures, avec des taux allant de 10% à plus de 100% pour la Chine, et tournant autour de 20% pour l’Union européenne, le Japon, la Corée du Sud.
Leur annonce, une semaine auparavant, avait causé une onde de choc mondiale.
Le gros coup de pression sur la Chine
Et quelques blagues sur ces îles seulement peuplées de manchots mais dûment taxées, ou sur une formule mathématique, faussement alambiquée mais réellement simpliste selon certains économistes, utilisée par la Maison-Blanche.
Les marchés européens clôturent encore dans le rouge, mercredi. Wall Street ouvre sans direction. Mais soudain, la Bourse de New York flambe.
Un nouveau message présidentiel vient de tomber sur Truth, à 13h18 locales (17h18 GMT).
Donald Trump annonce une “pause” de 90 jours pour les partenaires commerciaux des Etats-Unis, avec des droits de douane ramenés à un taux universel de 10%. Sauf pour la Chine: il augmente même la taxe douanière sur les marchandises chinoises à 125%, se plaignant d’un “manque de respect”.
Based on the lack of respect that China has shown to the World’s Markets, I am hereby raising the Tariff charged to China by the United States of America to 125%, effective immediately. At some point, hopefully in the near future, China will realize that the days of ripping off…
— Donald J. Trump Posts From His Truth Social (@TrumpDailyPosts) April 9, 2025
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Ses ministres et conseillers tentent de contrer l’inévitable impression d’improvisation et d’incohérence: “C’était sa stratégie depuis le début et on pourrait même dire qu’il a poussé la Chine à la faute“, assure le ministre des Finances Scott Bessent.
D’autres louent son “audace” “son génie”, ses instincts de négociateur, son sens du “deal”, dans une surenchère de compliments.
Bill Ackman, milliardaire pro-Trump, mais très critique sur la stratégie du président, a été l’un des premiers à le féliciter : “Ceci a été brillamment exécuté par Donald Trump. The Art of the Deal.”
À écouter Donald Trump, il semble que la panique financière ait tout de même joué un rôle dans son changement de cap.
Mercredi, pendant un événement en l’honneur de pilotes automobiles, il explique avoir suivi le marché obligataire, où la dette américaine s’est fait malmener ces derniers jours, et constaté que son offensive douanière “effrayait un peu” les investisseurs.
Un peu plus tard, dans le Bureau ovale, l’ancien promoteur immobilier signe une volée de décrets – dont l’un censé augmenter le débit des douches aux Etats-Unis, une obsession de longue date du président américain.
Puis il en dit un peu plus sur son incroyable volte-face.
Trump fait marche arrière
“Cela a probablement été décidé tôt ce matin”, dit-il à propos de son message sur Truth Social, “cela venait du cœur”, l’idée étant de ne “pas faire de mal” aux pays qui n’ont pas durement riposté et qui sont prêts à négocier.
L’on sait aussi qu’au moment où il rédige ce fameux message de trêve douanière, Howard Lutnick et Scott Bessent sont avec lui.
Aucune mention en revanche de Peter Navarro, principal conseiller au Commerce de Donald Trump et tenant d’une ligne protectionniste très dure. Ce même conseiller qui s’est fait traiter de “crétin” par Elon Musk, qui commence tout doucement à s’écarter de la Maison-Blanche.
“Il faut être flexible“, jette le président américain aux journalistes dans le Bureau ovale, qui avait pourtant assuré précédemment que “jamais” il ne ferait machine arrière, invitant plusieurs fois les Américains à avaler le “médicament” amer des droits de douane.
Preuve d’une certainement improvisation et d’un revirement non planifié, le président, quelques heures plus tôt, avait menacé très sérieusement de taxer tous les produits pharmaceutiques, jusque-là exemptés.
“C’est le moment d’acheter!”
“Je ne savais pas que cela aurait un tel impact” sur la Bourse de New York, s’est-il félicité en parlant de son changement de cap.
Le Dow Jones a fini en hausse de 7,87%, sa plus forte progression depuis 2008, l’indice Nasdaq de 12,16%, du jamais-vu depuis 2001.
Mais un élément déchaîne désormais les passions. Mercredi, avant de faire publiquement marche arrière sur les droits de douane, Donald Trump avait écrit sur Truth: “C’est le moment d’acheter!”, après plusieurs jours de débâcle boursière.
THIS IS A GREAT TIME TO BUY!!! DJT
— Trump Posts on 𝕏 (@trump_repost) April 9, 2025
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De la manipulation de marché ?
Pour le député démocrate du Nevada, Steven Horsford, cette séquence sent la manipulation à plein nez. “Décortiquons ce qui s’est passé en Amérique aujourd’hui. À 9 h 37, M. Trump a demandé à ses partisans d’acheter des actions. Les marchés ont ouvert dans le chaos. Il a redoublé d’efforts en matière de droits de douane, et le représentant au Commerce devait témoigner aujourd’hui devant le Comité Ways and Means.”
“Les tarifs douaniers de Trump ont été un désastre, et j’étais prêt à défendre les Nevadiens et les travailleurs de tout le pays, continue l’élu démocrate. Quelques minutes avant mon intervention, un membre du personnel a informé le représentant au Commerce que M. Trump avait changé d’avis, apparemment sans en parler à personne, pas même à Howard Lutnick. Presque immédiatement après l’annonce, le marché s’est envolé. C’est de l’escroquerie à son paroxysme.”
Seule certitude à la fin d’une folle journée : ceux qui ont suivi ce conseil du milliardaire républicain ont gagné beaucoup d’argent mercredi. “Il s’agit d’une gouvernance imprudente qui vise à enrichir les milliardaires pendant que le reste d’entre nous en paie le prix”, a taclé le membre du Congrès. Dans le Bureau ovale, Donald Trump ne s’en est même pas caché, félicitant par exemple Charles Schwab, CEO d’une maison de courtage en bourse, d’avoir “fait 2,5 milliards de dollars aujourd’hui”.
Plusieurs élus démocrates sont depuis monté au front pour savoir qui s’était enrichi durant cette séquence, notamment parmi les élus républicains. Certains accusent le président américain d’être coupable du plus grand délit d’initié de l’histoire de la finance.
Trump’s thrilled that his friends raked in billions during the tariff chaos yesterday. pic.twitter.com/9GwXRczxy3
— Polymarket Intel (@PolymarketIntel) April 10, 2025
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